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La part de responsabilité qui incombe à l’état dans les développemens et les transformations que réclame le port de Marseille est plus grande que celle qui incombe aux citoyens, et d’une nature plus grave. Ici la critique a beau jeu. Pourquoi l’état marchande-t-il à Marseille le prolongement de ses quais, de ses bassins ? Pourquoi ne faire les choses qu’à demi et ne pas les faire plus vite ? Pourquoi ne point doter les nouveaux ports de tous les perfectionnemens, de tous les mécanismes rapides de chargement et de déchargement en usage dans la plupart des ports anglais ? C’est là ce qu’on peut demander, en réclamant encore des bureaux une plus grande promptitude dans les décisions, et une meilleure entente des véritables besoins de cette place, la première de France, une des premières du globe.

On croit avoir fait beaucoup quand on a donné à tous les ports réunis une surface totale de 152 hectares (le vieux port n’en avait que 28), pouvant abriter 1,000 navires d’un port moyen de 300 tonneaux, et un développement linéaire de quais d’environ 12 kilomètres, dont 7 seulement peuvent être utilisés. Comme on compte, en Angleterre, qu’il faut à peu près 1 kilomètre de quai pour 280,000 tonneaux entrés et sortis, et que le tonnage général du port de Marseille dépasse aujourd’hui 5 millions de tonneaux, il en résulte qu’on est de beaucoup au-dessous des besoins de la place. Aussi les navires ne peuvent-ils décharger bord à quai, c’est-à-dire alignés suivant leur axe le long du quai, ce qui est la position la plus favorable. Ils sont disposés perpendiculairement aux quais, et, dans le vieux port, alignés souvent sur deux rangs. Les seconds ne peuvent alors décharger leurs marchandises qu’à flot, sur des bateaux plats ou chalands, d’où résulte une grande perte de temps, d’argent et souvent de matière.

Ce ne sont là que les moindres parmi tous les inconvéniens que nous avons à signaler. Pourquoi, depuis si longtemps que Marseille réclame une véritable gare maritime et un chemin de fer le long du littoral, lui refuser cette gare, cette voie ? tout le dégagement de la gare de Paris-Lyon-Méditerranée se fait par le tunnel de la Nerthe, un souterrain de 6 kilomètres ! Qu’une partie de la voûte s’éboule, et le souterrain est bouché, et il n’y a plus de communication par voie ferrée entre Marseille, Lyon et Paris ! Aucune autre voie n’existe. A la suite de la guerre franco-allemande, la gare unique de Marseille s’est trouvée un jour tellement encombrée de marchandises à expédier qu’elle n’y pouvait suffire. Elle en a remisé ainsi jusqu’à 50,000 tonnes à la fois, qui pouvaient devenir en un instant la proie de l’incendie, sans compter tout le préjudice que de longs délais d’expédition causaient aux négocians. Est-ce bien, est-ce juste, alors que les ports de Londres, Liverpool, New-York,