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l’Algérie, la Tunisie, l’Asie-Mineure elle-même, lui expédient des bœufs, des moutons, des porcs. Le département des Bouches-du-Rhône, une partie des départemens voisins, adressent également à Marseille le surplus de leurs animaux de boucherie. Ce bétail, surtout celui qui arrive par mer, est fatigué, exténué, souvent malade, mourant de faim et de soif. Il lui faudrait peu de jours pour se reposer, se refaire, s’engraisser. OU n’a qu’un parc misérable pour le recevoir, trop étroit, sans abris ; rien de grand, de large, d’aéré, rien de préparé, ni d’aménagé. Paris, par son marché de La Villette, Chicago, Saint-Louis, Buffalo, pour ne pas citer d’autres exemples, offrent à Marseille des modèles de parcs à bestiaux très convenablement établis, et où des milliers d’animaux peuvent à l’instant être reçus, nourris, abreuvés, soignés. Pourquoi hésiter plus longtemps à fonder un établissement de ce genre, pourquoi laisser à Cette, qui vient de s’en emparer, une partie de cet important trafic ? Marseille, en 1872, en 1873, a reçu, par mer seulement, au-delà de 600,000 têtes de bétail, elle n’en reçoit plus que la moitié, et ce chiffre diminuera encore si l’on n’y prend garde, et si l’on ne se décide enfin à établir ce parc à bestiaux, ce marché, cet entrepôt, qu’on l’appelle comme on voudra, depuis si longtemps indispensable. Depuis dix ans, tous les conseils municipaux, et Dieu sait si Marseille en a changé souvent, se sont religieusement transmis le dossier de cette affaire. Chaque fois un nouveau projet, un nouveau rapport, modifiant le précédent, s’en est suivi, puis tout est rentré dans les cartons, et l’on n’a rien fait ; il est temps que cette comédie finisse. Que serait-ce si l’on ajoutait à ce parc quelques-unes de ces immenses boucheries mécaniques, « de ces maisons de massacre et d’encaquement » comme on en voit en tant de villes d’Amérique, et qui furent pour la première fois établies à Cincinnati, il y a quarante ans ! Là, chaque année, des millions de porcs sont à la fois dépecés, salés, mis en barriques, expédiés dans le monde entier. Le bœuf est conservé comme le porc. Quelle fortune pour Marseille si elle pouvait traiter ainsi une portion du bétail étranger qu’on lui adresse, quelle ressource pour ses navires ! Le transport de la viande salée est devenu l’un des premiers élémens de fret de la marine des États-Unis, et cette viande est aussi l’une des provisions les plus recherchées à bord des navires de guerre et de commerce.

Les Marseillais viennent enfin d’introduire chez eux des tramways à l’américaine : c’est bien, il faut raccourcir partout les distances, et le temps, c’est de l’argent ; mais pourquoi ne pas construire aussi de ces élévateurs mécaniques pour décharger, nettoyer, vanner, peser et recharger automatiquement les grains, comme on en voit tant à Chicago ? toute la manutention se fait là rapidement,