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nôtres la plus grande partie de ses richesses, que nous avons trop longtemps dédaignées.

La question de prépondérance n’est pas entre Marseille et les ports français qui l’avoisinent, et que Marseille dépassera toujours ; elle est entre cette place et les ports de Gênes et de Trieste, d’où est partie, surtout depuis l’affranchissement de l’Italie, une sorte de rivalité commune, de ligue contre Marseille. C’est là le nœud de la question, et ce qu’il nous reste à définir, ce sont les mesures à prendre pour assurer à Marseille sa prééminence dans la Méditerranée, pour faire qu’elle ne déchoie pas et qu’elle continue à l’emporter sur ses rivales étrangères. Naples, Brindisi, Livourne, Venise, ne seront jamais à craindre ; Gênes, Trieste, Odessa, le sont déjà, et peuvent être encore plus redoutables demain. Assurément les hommes ne peuvent rien contre l’inflexible destinée, contre les lois inéluctables de la nature ; mais ils ne doivent non plus rien faire pour en accélérer les effets quand ces lois leur sont contraires, et l’on ne saurait nier que les malheureuses mesures économiques d’une nation n’aient souvent contribué à sa ruine. C’est là ce qu’il faut à tout prix empêcher, car la France, sur ce point, n’est pas tout à fait sans reproches.


III. — LES CONDITIONS ECONOMIQUES.

Les conditions économiques dont dépend aujourd’hui l’avenir de Marseille sont de plusieurs genres. Les unes sont du ressort des Marseillais, les autres du ressort de l’état ; les dernières enfin, les plus difficiles à changer, sont créées par la marche des choses, mais il est peut-être encore temps de lutter contre elles.

Les Marseillais ont-ils tout fait pour assurer le développement normal de leur commerce ? Ils ont fait beaucoup sans doute. A côté de leur chambre de commerce, une des premières instituées en France et l’une des mieux dotées, ils ont créé une société libre « pour la défense et le développement du commerce et de l’industrie, » une sorte de board of trade local, à l’instar des chambres de commerce anglaises ou américaines. Cette société, qui compte environ 400 membres, a été fondée en 1869 pour défendre activement les principes du libre échange, alors battus en brèche par le gouvernement, et que Marseille a toujours vaillamment soutenus. La Société de développement publie des mémoires sur des sujets spéciaux, les adresse aux ministres compétens. On peut dire qu’elle prend en main l’élaboration de toutes les grandes questions pendantes ; elle suit et quelquefois même précède la chambre de commerce officielle, — qui vit en bonne harmonie avec elle, — dans le débat de tous les intérêts. Elle fait paraître un prix courant