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temps-là des souvenirs impérissables, et ont régné par les beaux-arts comme par les affaires, Marseille s’est contentée de trafiquer et de jouir. Il en fut de même pendant toute l’antiquité, dont elle n’a rien ou presque rien conservé, pas plus du reste que ses sœurs d’alors, Tyr, Carthage ou Alexandrie. En somme, très peu de monumens dignes d’être rappelés, presque aucun souvenir du passé, tel est le bilan de Marseille, et l’on a dû avec raison que cc’est une ville antique sans antiquités. » Elle est d’allures toutes modernes malgré une origine qui remonte aux temps héroïques, et se contente d’étaler quelques maisons somptueuses, quelques jolis boulevards plantés d’arbres, et quelques promenades extérieures que l’on parcourt avec plaisir. Celle de la Corniche, faisant suite à celle du Prado, offre un magnifique coup d’œil. La mer bleue, parsemée d’îles pittoresques, baigne un des côtés de la route, et les montagnes à l’horizon rappellent, par leur relief et les tons dont les brûle le soleil, celles de Naples ou de l’Attique. Par ses habitans, comme par son commerce, la ville est cosmopolite, et les colonies d’Espagnols, d’Italiens, de Suisses, d’Allemands, de Grecs, d’Anglais, qui se mêlent à la population indigène sans se fondre avec elle, donnent à Marseille un cachet spécial. Cette ville, par la diversité de ses aspects, plaît singulièrement aux voyageurs, et tous ils emportent d’elle une impression qui ne s’efface plus.


II. — LE LITTORAL.

Sur la portion du rivage méditerranéen qui s’étend de Menton à Port-Vendres, Marseille est reine et l’a été de tout temps. Tout ce rivage a été colonisé par elle. Les noms de la plupart des stations qu’elle y établit sont restés grecs. Nice, c’est la ville de la victoire, fondée à la suite d’une bataille gagnée par les Phocéens sur l’une des tribus ligures de ces parages ; Antibes, c’est la ville en face de Nice ; Agde, c’est la bonne ville, l’heureux mouillage ; Leucate, c’est le cap blanc. Les Phéniciens, explorateurs de ces rivages avant les marins de l’Ionie, y avaient eux-mêmes consacré plus d’un temple aux divinités qu’ils adoraient. Le souvenir de ces temples, la plupart dédiés à Melkarth, l’Hercule solitaire de Sidon, se retrouve entré autres à Monaco, Herculis Monœci portus, et dans l’antique ville d’Héraclée, citée par Ptolémée et Pline, dont Saint-Gilles, sur le canal qui va de Beaucaire à Aigues-Mortes, semble marquer l’emplacement. Port-Vendres, portus Veneris, dut être aussi à l’origine un sanctuaire d’Astarté, la Vénus impudique de Tyr.

Toute cette côte a été de tout temps soumise à des actions géologiques permanentes, qui d’une part éloignent, de l’autre rapprochent la mer. De l’étang de Berce à Nice, le phénomène a lieu dans