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voilà ce qui a été tenté avec un succès toujours grandissant, et procure aux navires qui fréquentent ce port un fret de sortie aussi varié qu’avantageux. On dit que la plupart de nos ports périclitent et que notre marine marchande succombe, parce que nos navires sont presque partout obligés de sortir sur lest : en effet, si nos matières d’exportation sont généralement précieuses, étoffes tissées, objets de modes, elles n’occupent pas pour l’ordinaire un très grand volume. Les autres ports français devraient suivre l’exemple de Marseille : en manufacturant les matières premières qu’ils reçoivent, ils verraient doubler leur trafic. Ici, la savonnerie date seule du passé, tout le reste est de création récente, et l’on peut dire contemporaine. Sous Colbert, la fabrication du savon fut ravie par Marseille à Savone, sa voisine ; mais d’autres disent que ce furent les Phéniciens, également inventeurs du verre, qui introduisirent cette fabrication à Marseille, qui depuis ne l’a plus abandonnée. Quoi qu’il en soit, cette place de commerce est devenue de nos jours une place industrielle de premier ordre. Sa banlieue, le terroir ou le terradou, comme on le nomme, et les petites villes environnantes, se sont associées à ce mouvement. Avec l’argile, on fait des tuiles, des carreaux, des briques, des poteries ; avec le sable, des verreries ; tout cela aussi s’exporte au loin. En cent endroits et dans la ville elle-même, qui n’oserait s’en plaindre, des groupes de cheminées, plus hautes que des obélisques, vomissent la fumée, noircissent et empestent l’air. L’industrie s’étend partout avec ses allures conquérantes, elle a envahi tout le littoral. C’est pour Marseille que travaillent les salines de Bouc et de l’étang de Berre ; c’est pour elle que fonctionnent les ateliers de La Ciotat, où la puissante compagnie des Messageries maritimes construit et répare ses navires. L’élan est tel que le département voisin du var est lui-même entamé. Au port de la Seyne, près de Toulon, sont d’autres établissemens de construction appartenant à la Société des forges et chantiers de la Méditerranée, qui a son siège principal et ses plus grands ateliers à Marseille.

D’après les statistiques que nous a communiquées la chambre de commerce de Marseille, le mouvement général de ce port en 1876 a été à l’entrée de 8,776 navires jaugeant 2,665,500 tonneaux, et à la sortie de 8,654 navires jaugeant 2,590,000 tonneaux ; en tout plus de 17,000 navires, et un tonnage qui dépasse 5 millions de tonneaux. Ces chiffres comprennent d’ailleurs tous les pavillons, la grande navigation et le cabotage, et les navires à voiles et à vapeur, chargés ou sur lest, ces derniers en nombre infime. Le pavillon français entre pour les deux tiers dans le mouvement général des navires, la grande navigation comprend les quatre cinquièmes du tonnage, le nombre de navires à vapeur augmente de plus