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plutôt les Phocéens. Le bassin étroit qu’elle occupe, fermé du côté des terres par une ligne rocheuse de montagnes, n’est guère plus fertile qu’il ne l’était dans l’antiquité. Le terrain manquait encore d’eau il n’y a pas longtemps. On a amené les eaux de la Durance par un canal qui fera éternellement la gloire de l’ingénieur qui l’a projeté et construit. Si cette eau a abreuvé les habitans et rafraîchi les rues de la cité, elle n’a pu donner à la campagne environnante qu’une verdure en quelque sorte décorative et faire pousser sur ces alluvions pierreuses autre chose que la vigne et l’olivier, que les enfans de l’Ionie apportèrent avec eux. Sidon, Tyr, Carthage, ne furent pas autrement favorisées que Marseille dans le choix de leur emplacement. C’était la mer qu’elles exploitaient, non la terre, et aujourd’hui encore Gênes étouffe plus que Marseille dans une ceinture de rochers arides et abrupts. Dans la lutte pour leur existence, il est bon que les places de commerce soient ainsi forcées par la nature à tourner invariablement leurs regards vers les flots. Cela fait de meilleurs marins que rien ne vient distraire de leur métier, et cela pousse les armateurs à un trafic international incessant qui fait la richesse de leur comptoir.


I. — LE PORT DE MARSEILLE.

Marseille, depuis le jour de sa naissance obligée de demander à la mer tous ses moyens de vivre, n’a jamais failli un instant à ses destinées. Il n’est aucune ville qui se soit maintenue aussi prospère pendant une aussi longue durée de siècles. Comme elle commande le golfe de Lyon et le bassin du Rhône, elle a été de tout temps un grand port de transit et d’entrepôt, pour la Gaule pendant l’antiquité, pour la Provence et une partie du Languedoc pendant le moyen âge, et plus tard pour la France. Depuis longtemps c’est notre premier port de commerce. Toutes nos relations avec le Levant partent de là, et, depuis que le canal de Suez est ouvert, toutes nos relations avec l’extrême Orient. C’est par Marseille que nous arrivent les soies de la Chine et du Japon, les cotons et les graines oléagineuses de l’Inde, l’étain de Banca et de Malacca, le poivre de Singapore. A l’époque où la France fondait des colonies en Amérique, dans la mer des Antilles, dans l’Océan indien, et où la vapeur n’avait pas encore remplacé la voile, Bordeaux, Nantes, Saint-Malo, plus tard Le Havre, assises sur l’Atlantique au sur la Manche, purent un moment le disputer en importance à Marseille. Aujourd’hui la lutte ; n’est plus possible, et le grand port de la Méditerranée, par l’étendue et la disposition de ses quais, par le chiffre de son tonnage et la valeur des marchandises transportées, dépasse de beaucoup tous ses rivaux. Au Vieux Lacydon des Phocéens, une