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se sont élevées dans ces derniers temps aux environs de la mine : ils y trouvent le coucher et la nourriture. La compagnie alors a eu l’idée de fonder un village modèle où ils seraient tout à la fois plus sainement et plus économiquement logés ; chaque appartement est disposé, soit pour un petit ménage, soit pour un groupe de célibataires.

Si l’aspect du pays basque diffère de celui des autres contrées de l’Espagne, les Encartaciones, à leur tour, semblent trancher sur le reste de la Vizcaye. De longue date, ce nom bizarre et inexpliqué sert à désigner toute la partie occidentale du Señorio depuis Bilbao jusqu’à la province de Santander. Le sol y est plus accidenté encore, les montagnes y sont plus hautes, les vallées plus étroites, les ravins plus abrupts, les torrens plus rapides, les bois plus vastes et plus touffus ; pourtant, malgré ce désordre, il se dégage de l’ensemble du paysage je ne sais quelle atmosphère de calme, quelle sérénité dont on se sent pénétré jusqu’au fond de l’être. On est tout à la fois transporté et pensif ; on voudrait trouver des mots, des couleurs nouvelles pour rendre la fraîcheur de ces prés, la limpidité de ces eaux, la pureté de cet air qui vous caresse, humide et tiède comme un baiser ; mais jamais la peinture ni la poésie elle-même ne pourront éveiller une impression aussi sincère, aussi complexe : il faut le spectacle présent, parlant tout ensemble à l’âme et aux yeux. Successivement je traversai Mercadillo, Avellaneda, Ocharan, toutes ces petites localités charmantes qu’on ne saurait distinguer l’une de l’autre tant leurs habitations sont capricieusement dispersées au flanc des collines, au bord des ruisseaux : il semble que ce soit toujours le même village qui se continue. Ici s’élève, au-dessus d’un socle de rochers, quelque vieille tour en ruines, lointain souvenir de l’époque où le district des Encartaciones servait de lice aux fratricides querelles des bandos ; là-bas, à demi masquée par un bouquet de bois, une maison d’élégante apparence ; c’est la demeure d’un Indien ; ainsi désigne-t-on d’un terme générique les gens du pays qui sont allés faire fortune aux colonies et qui de retour au village n’ont pas de plaisir plus vif que de faire participer le plus de monde possible à leur bonheur. Je passe et je remarque que partout les fenêtres sont ouvertes et les clés sur les portes ; dans les montagnes, les troupeaux paissent sans surveillance, et les fruits des champs, comme on l’a dit, n’ont pas d’autre gardien que le septième commandement du Décalogue. Valmaseda, seule de tout le district, porte le titre de ville et le justifie assez bien avec sa forte position militaire choisie, croit-on, par les Romains, son antique mur d’enceinte, ses quatre rues parallèles, ses restes de palais somptueux, ses trois ponts d’époques et de formes différentes, signes d’une importance aujourd’hui bien déchue. Puis de nouveau les