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demi seulement ; point de blé non plus, on faisait venir celui dont on avait besoin de France et d’Andalousie. Une ferme ou caserio se composait uniquement d’un champ de pommiers dont les fruits donnaient le cidre, et entre lesquels le paysan semait l’avoine et le seigle, plus une certaine étendue de bois dans la montagne pour le pacage des bestiaux et l’exploitation du charbon. C’était le temps où l’on disait en Castille d’un seigneur de Vizcaye : « Don Lope de Vizcayen, — riche de pommes, — pauvre de pain et de vin. » Dans ces conditions, une disette était toujours à craindre, et les lois forales, de même que les archives du Señorio et des communes, témoignent de la préoccupation constante et de l’embarras des autorités pour arriver à réunir les subsistances nécessaires. Pourtant, il y a cent ans, d’après les calculs d’Ituriza dans son Histoire générale de Vizcaye, encore inédite, la récolte s’élevait annuellement à 200,000 fanègues de blé, et 400,000 de maïs, ce qui était déjà une ressource importante pour une population montant à peine à 100,000 âmes ; la fanègue vaut quatre de nos anciens boisseaux. Depuis lors la population a doublé, mais les récoltes se sont accrues dans une proportion plus forte encore ; la Vizcaye produit aujourd’hui annuellement 600,000 fanègues de blé, plus d’un million de maïs dont une partie s’exporte en Angleterre et en Allemagne, 80,000 de légumes secs, et elle entretient sur son territoire près de 300,000 têtes de bétail ; les pommes, les noix, les châtaignes, sont aussi d’un bon revenu ; enfin la culture de la vigne. avait déjà pris de grands développemens quand l’oïdium est venu l’arrêter. Ces résultats, vraiment prodigieux, sont dus à l’intelligence et à la puissance de travail que déploie le paysan basque dans l’aménagement de ses terres. Là-bas le sol n’a jamais de repos, et les mêmes cultures reviennent tous les deux ans. Dans les vallées orientales confinant au Guipuzcoa, l’assolement se fait de cette manière : le blé d’abord, semé en novembre, puis le navet semé en août, en même temps que le trèfle rouge ou tout autre fourrage, qui formera une prairie artificielle après la récolte du navet, enfin le maïs, pour lequel le sol est encore plus soigneusement retourné que pour le blé, qui lui succédera immédiatement au retour de la période. De l’autre côté du Señorio, dans les Encartaciones, la principale récolte est celle du maïs, alternant avec le blé sur une partie plus ou moins grande du sol.

Toutefois, à cause de l’étendue toujours fort minime du terrain cultivable, si désormais la Vizcaye est assurée de suffire aux besoins de ses habitans, elle ne peut lutter avec des pays plus favorisés sous ce rapport, ni trouver dans l’agriculture beaucoup d’élémens de profit. Sa vraie richesse, sa vraie force dans l’avenir, c’est ce trésor de mines inépuisables « qui fut toujours, selon l’expression d’un de nos plus