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de lui une troupe de taureaux qui le chargèrent furieusement. Il descendit de la montagne jusqu’à dépasser un peu la hauteur d’Artágan, celle même qui domine le sanctuaire de Begoña et dont le nom basque signifie « le haut de la Chesnaie, » par allusion aux chênes qui le couvraient alors ; puis il tira vers le bourg de l’est, appelé Ocharcoága, a lieu où abondent les loups. » Mais en approchant du bois de Palátu-Zugasti, sur le bord du fleuve, il se heurta à un géant qui, armé d’une épée étincelante, lui coupait la route. De guerre lasse, il se réfugia dans le bois, déjà contrit et repentant de son crime, et en ce moment commencèrent à sonner à toute volée les cloches de Begpña qui, jusqu’à ce que le clocher fût construit, étaient suspendues aux branches d’un chêne devant la porte du nouveau temple. Les fieles ou magistrats des deux quartiers de Tránco et d’Ocharcoága accoururent au bruit, suivis de tous les habitans, et, voyant que les cloches sonnaient toutes seules sans que personne, y touchât, ils jugèrent qu’il se passait là quelque chose de grave. Bientôt ils s’aperçurent que la Vierge avait été dépouillée de ses joyaux, et sans plus tarder ils allaient se mettre en quête du sacrilège, chacun de son côté, quand celui-ci de lui-même s’offrit à eux, confessa son crime et rendit les bijoux. On le condamna à la peine de mort, qu’il subit sur la colline de Larriagaburu, nom qui signifie « mont des angoisses, » parce que c’est là qu’avaient lieu les exécutions. Pourtant, avant de mourir, le coupable supplia qu’on voulût bien l’enterrer dans le temple qu’il avait criminellement profané. Cette dernière grâce lui fut accordée à cause de son repentir, qui semblait sincère, et on creusa sa tombe en dessous de la chaire. Vingt ans après on fouilla à la même place pour y déposer un autre cadavre. Le corps du sacrilège était complètement réduit en poussière, seul le bras droit qu’avait touché la Vierge était demeuré intact. »


IV

Tous les agriculteurs savent que les terrains montagneux comme celui de la Vizcaye produisent en proportion de leur base et non de leur superficie. Or la Vizcaye, comme base, ne mesure pas plus de 60 lieues carrées ; encore pour les deux tiers, le sol est-il formé de roches stériles ou d’une terre maigre presque aussi ingrate que le roc. L’agriculture y fut donc presque nulle au moyen âge, et les habitans ne s’occupaient guère que de la marine et de l’industrie du fer, point de maïs, car cette plante, dont la végétation superbe, trahit une origine exotique, et qui maintenant est si bien entrée dans l’alimentation du peuple espagnol qu’on l’appelle parfois blé d’Espagne, fut introduite d’Amérique en Europe il y a trois siècles et