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sachions appliquer à notre usage les nombreux perfectionnemens de l’industrie moderne, alors nous reprendrons, non sans fruit, s’il plaît à Dieu, notre bon vieux métier de mineurs et de forgerons ! Avouez cependant, ajouta don José avec un fin sourire, que pour des seigneurs féodaux, nous témoignons là des aspirations bien vulgaires et des sentimens bien mesquins ! »

Toutes ces villes de l’intérieur, Marquina, Elorrio, Durango, ont entre elles un air d’affinité. Bâties à peu près à la même époque et dans les mêmes circonstances, destinées à fournir un refuge aux cultivateurs contre les violences et les déprédations de trop puissans voisins, elles ont beaucoup gardé de leur physionomie moyen âge. Voilà bien toujours ces quatre ou cinq rues se coupant exactement à angles droits, ces anciennes portes vides de leurs herses, ces larges murailles percées de fenêtres et transformées en habitations qui sont comme la transition entre le nid de l’hirondelle et la demeure de l’homme, ces maisons lourdes et carrées, véritables forteresses dont les pierres portent encore les traces de l’incendie qui les a tant de fois léchées, et toujours aussi cette population saine, forte, ardente au travail et au plaisir, ces garçons aux bras vigoureux, ces belles filles aux longues tresses ; toujours ces campagnes arrosées d’eaux courantes, ces longues vallées verdoyantes où les champs de maïs alternent avec les pâturages et les bois ; puis çà et là, mornes et solitaires, d’antiques manoirs aux noms sonores, aux curieuses légendes. Telle est, sur le territoire d’Abadiano, dans une plaine fertile, cette tour de Muncharáz qui eut jadis pour châtelaine une fille de roi, l’infante de Navarre, dona Urraca, épouse de très noble homme Pedro Ruiz de Muncharáz ; la porte est de cœur de chêne recouvert d’une couche de fer renforcée de gros clous et de barres de même métal, et par-dessus, sur un écu de pierre, se lit la fière devise : Aqui biben y bibieron, con la honra y fama que tubieron, « c’est ici qu’ils vivent et ont vécu, gardant leur honneur et leur renommée. » Les salles du haut, soutenues par des poutres colossales, les fenêtres étroites établies dans l’épaisseur des murs méritent aussi l’attention ; mais rien de cela ne vaut encore la sombre tour d’Echeburu. Perchée comme l’aire d’un oiseau de proie, cette forteresse occupe, non loin de Durango, au creux d’une gorge étroite, la pointe d’un roc isolé qui s’ouvre au-dessous d’elle en manière de caverne ; son origine serait due aux Romains : les Goths d’Ataulf la détruisirent ; relevée et renversée de nouveau, elle date, dans sa forme actuelle, de la fin du XVe siècle, et sa silhouette noire se détache admirablement sur le fond blanchâtre des roches environnantes. Le lierre, les ronces, la vigne vierge, toutes les plantes pariétaires ont tapissé un de ses côtés et grimpé jusqu’au faîte. Quand je passai par là, un homme armé d’un maillet