Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
J’avais, pour être mieux à l’aise,
Donné dix sols pour une chaise ;
Mais lorsque la cour arriva,
Ma chaise rompit et creva,
Tant grosse et grande était la presse ;
Et tout franchement je confesse
Que, ne pouvant plus respirer,
Il me fallut lors retirer.
………..
Ainsi ni moi ni mes oreilles
N’entendirent point les merveilles
Qu’il débita dans ce saint lieu
En l’honneur des saints et de Dieu. »

Cette déconvenue n’empêcha pas le gazetier d’apprendre à ses lecteurs que le sermon fut beau et prononcé « avec un ton grave et hardi. » Il est un témoignage plus précieux encore, puisqu’il émane d’un homme de ce temps-là qui fut pour notre prose ce que fut Malherbe pour notre poésie. Voici comment s’exprimait Balzac sur l’éloquence de Paul de Gondi dans une lettre qu’il lui adressait en lui offrant une de ses œuvres : « Enseignant à bien vivre, lui dit-il à une époque où la vie licencieuse du prélat n’avait pas encore fait scandale, vous nous donnez des exemples de bien parler. Je compte, entre les disgrâces de mon exil, les pertes que je fais ici de ces agréables et utiles enseignemens, de ces torrens d’or qui tombent de votre bouche et dont vous enrichissez votre peuple. C’est un grand malheur, il faut l’avouer, de n’être plus du monde en un temps où le monde est si beau à voir, et ce n’est pas un petit acte de modération de se contenter du silence de l’ermitage, à cette heure qu’il y a dans l’église un autre fils du tonnerre, et que vous traitez des choses divines avec toute la force et toute la dignité dont est capable l’éloquence humaine. » L’éloge est excessif et dépasse toutes les bornes, mais il prouve du moins la haute opinion qu’avaient les contemporains de l’éloquence du coadjuteur. Ailleurs Balzac disait que les sermons de l’avent prêches à Saint-Jean-en-Grève par le jeune prélat pouvaient passer « pour une traduction d’un père grec, et d’un père de la plus haute classe, tant de l’une que de l’autre église. Il ne faudrait pour cela, ajoute-t-il, que mettre Antioche à la place de Paris[1]. » Et dans le Socrate chrétien, lorsque Socrate vient à faire l’éloge du plus éloquent des pères de l’église : « Je ne connais point votre saint Jean Chrysostome, lui répond un des interlocuteurs. Mais vous ne dites rien de lui qui ne se vérifie en notre M. l’abbé de Retz. L’éloquence avec laquelle il explique les

  1. Œuvres de Balzac, édit. in-f° t. Ier, p. 509 et 511.