Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’évêque de Lisieux, enthousiasmé d’un tel succès, introduit dans l’hôtel de Vendôme, dont il est le commensal et l’ami, notre galant théologien afin qu’il y explique en français les épîtres de saint Paul, et celui-ci en profite pour faire sa cour à Mlle de Vendôme. D’abord la belle princesse semble se prêter au jeu, mais au dernier moment elle lui échappe, et notre don Juan avoue qu’il ne put l’ajouter à sa liste. « vous voyez, nous dit-il toujours du même ton, que mes occupations ecclésiastiques étaient diversifiées et égayées par d’autres qui étaient un peu plus agréables ; mais elles n’en étaient pas assurément déparées. La bienséance était observée en tout, et le peu qui y manquait était suppléé par mon bonheur, qui fut tel que tous les ecclésiastiques du diocèse me souhaitaient pour successeur de mon oncle avec une passion qu’ils ne pouvaient cacher. »

A la mort de Richelieu, il eut un moment l’espoir d’être nommé coadjuteur. Par d’habiles manœuvres, il était parvenu à endormir la jalousie et les susceptibilités de son oncle l’archevêque, même à le gagner à son projet ; mais, comme il eut l’imprudence de mettre en mouvement la Sorbonne, les curés de Paris et le chapitre pour demander la coadjutorerie au roi, les nouveaux ministres, Mazarin, de Noyers et Chavigny, en prirent de l’ombrage et le traversèrent. On reconduisit en lui disant qu’il était trop jeune, et qu’il avait fait trop grand bruit de cette affaire avant que le roi en fût saisi. Un obstacle plus sourd et plus dangereux vint le menacer. Le secrétaire d’état de Noyers, « dévot de profession et même jésuite secret, » qui était alors très influent, se mit en tête de succéder à l’archevêque de Paris, menacé d’un jour à l’autre d’une mort prochaine. Il fallait éloigner à tout prix le plus sérieux des compétiteurs, Paul de Gondi. De Noyers lui fit offrir l’évêché d’Agde, qui valait 30,000 livres de rente ; mais l’abbé « para la botte » fort adroitement. Il eut l’art de faire agréer son refus au roi, sous prétexte qu’il appréhendait « extrêmement le poids d’un évêché éloigné, et que son âge avait besoin et de lumières et de conseils qui ne se rencontrent presque jamais que fort imparfaitement dans les provinces. » La vérité est qu’il avait une ambition plus haute et que « sa dévotion, comme il le dit fort spirituellement lui-même, ne le portait nullement en Languedoc. » La dévotion de Retz était essentiellement parisienne. Louis XIII, pendant tout son règne, refusa de le nommer coadjuteur de Paris, et il semble que, sur ce point domine sur tant d’autres, il ait voulu se conformer aux dernières volontés de Richelieu[1]. Ce ne fut que sous la régence que Paul

  1. Dans son intéressante étude intitulée : Louis XIII et Richelieu, M. Marius Topin a parfaitement prouvé que le roi, après la mort de son ministre, suivit scrupuleusement sa politique et ses dernières intentions.