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qui explique que les plus vieilles masures s’y soient conservées jusqu’à l’arrivée des barbares.

Il y avait donc sur le Palatin des monumens de tous les âges, et le grand intérêt qu’il offrait à un visiteur, c’est que dans un espace restreint il contenait pour ainsi dire toute l’histoire de Rome. Depuis l’époque « où les bœufs de l’Arcadien Évandre vinrent s’y reposer » jusqu’au temps où s’y établit la dynastie africaine et orientale des Sévère, chaque siècle y avait laissé quelque souvenir. Il contenait la demeure du premier roi et le palais du premier empereur ; on y montrait l’endroit où habitaient les grands consulaires de la république et les meilleurs des princes. On pouvait y suivre toutes les transformations du culte national : le temple de Jupiter Stator, celui d’Apollon, celui de la Mère des dieux, rappelaient successivement l’époque où Rome se contentait des divinités du Latium, celle où elle laissa pénétrer chez elle les dieux de la Grèce, celle enfin où elle alla chercher les cultes exaltés de l’Orient, qui lui firent connaître des besoins religieux nouveaux et préparèrent la voie à la religion des juifs et des chrétiens. On venait visiter avec respect tous ces monumens, et les plus anciens, quoique les plus simples, n’étaient pas les moins fêtés. Les Romains ne ressemblaient pas à ces parvenus qui rougissent de l’humilité de leurs origines et cherchent à les cacher ; au contraire, ils en tiraient vanité parce qu’elles leur faisaient mieux mesurer la grandeur du chemin qu’ils avaient parcouru. Aucune époque de leur histoire n’était exclue de leur reconnaissance : ils savaient que tous les siècles avaient travaillé à la gloire de Rome ; les haines politiques, les préjugés de parti n’avaient pas le pouvoir de les rendre injustes pour personne ; quelle qu’eût été l’ardeur des disputes, le temps avait tout apaisé, et rien n’était resté du passé que la mémoire toujours vivante des services rendus au pays. Le patriotisme d’un Romain du IIIe siècle se composait d’une admiration égale pour les héros de la république et pour les grands empereurs, et l’on visitait avec les mêmes sentimens de respect et de fierté la cabane de Romulus, la maison de Cicéron et le palais d’Auguste.

Ce qui dominait pourtant, ce qui avait laissé le plus de souvenirs au Palatin, c’était l’époque impériale. Il n’est pas tout à fait exact de prétendre qu’il contenait, comme le dit l’enseigne des jardins Farnèse, le palais des césars (Palazzo de’ cesari), ce qui laisserait croire qu’il n’y existait qu’une vaste habitation sans cesse agrandie et embellie par les empereurs nouveaux qui venaient s’y établir, comme l’ont été nos tuileries. C’était plutôt le quartier des palais. Il y en avait cinq différens, qui portaient le nom des princes qui les avaient bâtis. Il ne se trouve rien de semblable dans nos capitales modernes. Quand les princes, par caprice ou par vanité,