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société la plus éclairée, que les chrétiens, comme les juifs, adoraient un âne. Soldat ou esclave de l’empereur, Alexamène, qui avait embrassé la doctrine nouvelle, était l’objet des railleries de ses camarades ; mais il les supportait avec courage, et, au milieu de ce monde ennemi, il ne reniait pas sa foi. M. Visconti a trouvé en 1870 une inscription où il la confesse, et qui porte ces. mots, probablement gravés par lui-même : Alexamenos fulelis. Quoique le christianisme ait pénétré de bonne heure dans la maison des césars, c’est le seul souvenir qui en soit resté au Palatin.


IV

Quelque longue que soit déjà cette étude, je crois utile d’y ajouter quelques mots encore : après avoir énuméré par le détail les édifices que chaque siècle a vus s’élever au Palatin, il faut essayer de se rendre compte de l’effet que devait produire l’ensemble. Supposons donc que nous sommes au IIIe siècle, vers l’époque où Septime-Sévère vient de bâtir le dernier de tous les palais impériaux, et figurons-nous que, dans un de ces momens de plus en plus rares où l’empire est calme et victorieux, nous visitons la célèbre colline. À ce moment, elle appartient toute aux césars ; leur famille, leurs soldats, leurs serviteurs sont seuls à l’occuper. Elle contient des édifices d’âges très divers, dont quelques-uns remontent aux origines même de Rome, mais qui sont tous entretenus et réparés avec le plus grand soin. Aucune ruine n’y attriste l’œil, les césars n’en veulent souffrir nulle part ; rien dans leur empire ne doit avoir un air de misère et de désolation qui fasse honte à la prospérité de leur règne. Ne sait-on pas que l’un d’eux alla jusqu’à abolir, sans plus de façon, les sociétés qui s’étaient formées pour acheter les grands domaines, et qui, après avoir tiré un bon profit des terres en les morcelant, ne prenaient pas la peine d’entretenir les maisons quand on ne trouvait pas à les vendre ? L’empereur est indigné de cette conduite ; il déclare, dans son édit, que c’est « un commerce meurtrier, ennemi de la paix du monde, » et qui insulte à la félicité publique, « qu’au lieu de couvrir les champs de décombres, il convient à un siècle aussi fortuné de bâtir de nouvelles maisons, afin de faire mieux resplendir le bonheur du genre humain[1]. » Ces maximes, on le comprend, devaient être pratiquées au Palatin plus qu’ailleurs ; il était convenable que tout fût maintenu en bon état autour des palais impériaux ; aussi, malgré toutes les misères de l’empire, n’y laissa-t-on jamais rien tomber en ruines : c’est ce

  1. Ce curieux décret contre les bandes noires chez les Romains a été publié et commenté par M. Egger dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France.