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doute, dans ce palais magnifique sur la porte duquel Nerva avait inscrit ces mots : Ædes publicœ, pour faire entendre que tout le monde avait le droit d’y venir réclamer justice ; le reste du temps ils habitaient une demeure moins somptueuse, mais plus retirée, plus commode, mieux appropriée à la vie de famille, où, après avoir fait leur métier d’empereur, ils pouvaient goûter, suivant le beau mot d’Antonin, le plaisir d’être hommes.

Il y avait un siècle, — le plus beau siècle de l’empire, — que les césars résidaient dans le palais de Domitien, quand l’idée vint à Septime-Sévère d’en bâtir un nouveau. Peut-être l’occasion lui en fut-elle fournie par le terrible incendie qui ravagea le Palatin à la fin du règne de Commode ; mais il avait assurément une autre raison de le faire. Les dynasties qui commencent éprouvent toujours le besoin de frapper l’imagination des peuples par quelques grandes entreprises. Celle-là surtout qui succédait aux Antonins, et qui avait à se faire pardonner une origine étrangère, affecta de s’occuper beaucoup de Rome, de l’orner et de l’embellir. Sévère, comme tous ceux qui arrivent brusquement à une haute fortune, craignait toujours qu’on se rappelât sa situation passée, et il voulait en faire perdre le souvenir. On raconte que, lorsqu’il revint dans son pays, revêtu d’une fonction publique, un de ses anciens amis, heureux de le revoir, lui ayant sauté au cou, il le fit battre de verges pour lui apprendre à traiter avec plus de façons un magistrat du peuple romain. Il lui sembla sans doute qu’en rivalisant de magnificence avec ses prédécesseurs il se montrait digne de leur succéder. Il voulut prendre possession de la colline impériale en y bâtissant un palais qui portât le nom de sa famille.

Le Palatin commençait à être encombré, et la place devait y devenir rare pour les constructions nouvelles. Il restait pourtant encore un espace libre vers le midi, en face du Cælius, le long de la voie Triomphale. On y avait moins bâti qu’ailleurs, parce que le sol y descend jusqu’à la plaine par des pentes douces et qu’il ne fournit pas un terrain égal où l’on puisse élever un vaste édifice. Cependant le palais de Domitien s’était de quelque façon étendu jusque-là ; de ce péristyle dont j’ai parlé, et qui couvre un si grand espace, on communiquait par une série de pièces, encore mal connues, avec la maison d’Auguste que Domitien avait ainsi fait entrer dans son vaste palais. Au-delà de la maison d’Auguste, il avait construit un stade, qui est aujourd’hui entièrement déblayé. On appelait stade une sorte de cirque destiné à des courses d’hommes ou à des jeux d’athlètes. C’était un des divertissemens favoris des Grecs : rien ne plaisait plus à ce peuple d’artistes que de voir un beau corps nu déployer dans des exercices variés sa force et sa grâce. Les Romains, qui n’étaient frappés que de l’indécence et du danger de ces