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sans pitié chez les autres toutes les fautes qu’il se pardonnait si aisément à lui-même.

Derrière ces trois salles, qui occupent toute la surface du palais, se trouve le péristyle, vaste cour entourée de portiques, d’une étendue de plus de 3,000 mètres carrés. On y voit encore les restes des colonnes cannelées en marbre carien qui soutenaient le toit et des plaques de marbre de Numidie qui couvraient les murailles. Au fond du péristyle, en face du tablinum, une large porte conduit au triclinium ou salle à manger du palais. Martial nous dit qu’avant Domitien le Palatin n’avait pas de triclinium qui fût digne des césars, et félicite l’empereur d’en avoir construit un qui lui semble aussi beau que la salle à manger des dieux dans l’Olympe, « où l’on pourrait boire le nectar et recevoir des mains de Ganymède la coupe sacrée. » Cette comparaison est audacieuse, mais il faut reconnaître que la salle devait être fort belle, quand elle était intacte. Selon l’usage romain, elle contenait trois tables : deux d’entre elles étaient placées le long des murs latéraux, la principale en face de la porte d’entrée, dans une sorte d’abside magnifiquement décorée, qui conserve encore une partie de son pavé de porphyre, de serpentin et de jaune antique : c’était celle qu’occupaient le prince et les plus grands personnages. Le milieu restait libres pour le service. De chaque côté, cinq grandes fenêtres séparées par des colonnes de granit rouge, étaient ouvertes sur deux nymphées, au milieu desquelles on trouve encore les restes d’un bassin de marbre orné de petites niches qui devaient contenir des statues. Du lit où les convives se couchaient pour le repas, ils pouvaient apercevoir l’eau qui jaillissait de la fontaine et qui tombait en cascade, d’étage en étage, au milieu de la verdure, du marbre et des fleurs. Il est souvent question de cette élégante salle à manger chez les écrivains du temps. Domitien, qui se piquait d’aimer les lettres et qui, dans sa jeunesse, avait fait des vers que ses flatteurs trouvaient divins, daignait quelquefois inviter des poètes à sa table. Stace, qui obtint cet honneur envié, nous a dépeint sa joie dans une de ses Silves ; c’est un véritable délire : il déclare qu’en entrant dans le triclinium de l’empereur, il se crut transporté au milieu des astres et qu’il lui sembla prendre place à la table même de Jupiter. « Est-ce bien vous que je vois, dit-il au prince, vous le vainqueur et le père du monde soumis, vous, l’espoir des hommes et le souci des dieux ? Ainsi je suis près de vous ! Au milieu des coupes et des mets qui couvrent la table, je contemple votre visage ! » Et il s’empresse d’ajouter : « Je l’avoue, tout l’appareil somptueux du repas, ces tables de chêne supportées par des colonnes d’ivoire, cette armée d’esclaves, n’attirèrent pas mes regards ; c’est l’empereur seul que je souhaitais voir, je n’ai contemplé que lui. Je ne pouvais détacher