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bonne fortune dont nous nous sommes félicité à propos du Forum. M. Ferdinand Dutert, pendant qu’il était élève de l’École de Rome, a étudié ces belles ruines à mesure qu’on les découvrait. Dans le savant essai de restauration qu’il en a fait, il nous montre le monument tel qu’il est aujourd’hui et tel qu’il devait être à la fin du Ier siècle. Prenons donc M. Dutert pour guide, et visitons avec lui ce qui reste du palais de Domitien[1].

C’est encore une maison romaine, bâtie sur le même plan que les autres, avec cette différence pourtant que les proportions en sont plus vastes et qu’il y manque deux parties essentielles : elle n’est pas précédée, selon l’usage, d’un atrium, et l’on entre directement dans la grande salle ; elle ne possède pas ces corridors qu’on appelait fauces, placés des deux côtés de la salle de réception, et par lesquels s’établissait la communication entre les appartemens ouverts au public et ceux qui étaient réservés à l’intimité de la famille. Aussi n’est-ce pas tout à fait une maison ordinaire, placée comme les autres au milieu d’une rue, et qui a besoin de se protéger contre les étrangers et les indiscrets. Elle est située sur une colline qui appartient toute aux césars et où ne pénètrent que ceux qu’ils veulent bien recevoir. Ce qui remplace ici l’atrium, c’est-à-dire cette cour qui chez les particuliers servait de lieu d’attente, c’est la place même, l’area Palatina qui entoure le palais. Un passage d’Aulu-Gelle nous montre les amis ou les cliens de l’empereur qui viennent le saluer tous les matins, attendant son réveil sur cette place, comme chez les particuliers ils attendaient dans l’atrium. La même raison explique que les communications des appartemens avec le péristyle n’aient pas eu besoin d’être intérieures et cachées. La place appartenant au palais et en faisant partie, les corridors pouvaient être suppléés sans inconvénient par les portiques extérieurs qui l’entourent de tous les côtés.

On arrivait au palais de Domitien par cette rampe escarpée (clivus Palatinus) qui, comme je l’ai dit, se détachait de la voie Sacrée, près de l’arc de Titus, et servait depuis Romulus d’entrée ordinaire au Palatin. C’est sur cette rue que se trouvait la façade principale du palais. Sous un magnifique portique, soutenu par des colonnes dont les piliers ont été retrouvés, trois portes s’ouvraient. Celle du milieu donnait accès à l’une des pièces les plus vastes et les plus hardies que l’on connaisse. C’était, sans aucun doute, la salle de réception, à laquelle M. Rosa a conservé son nom antique de tablinum. Le prince y donnait ses audiences ; c’est là qu’il recevait les

  1. M. Ferdinand Dutert a résumé son travail dans deux articles de la Revue archéologique (janvier et février 1873). Je dois à son obligeante bienveillance une reproduction photographique de son essai de restauration.