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quelque offrande dans un temple voisin. C’est donc un paysage réel, un coin de Rome exactement reproduit, où nous retrouvons ce qui manque à Pompéi, des maisons à plusieurs étages.

Les deux autres tableaux sont mythologiques. Dans l’un, on voit Polyphème qui poursuit Galatée. Le géant est à moitié plongé dans les flots, et, pour montrer qu’il est dominé par sa passion, le peintre a représenté derrière lui un petit Amour sans ailes, debout sur son épaule, et qui le tient en laisse avec deux rubans. Galatée s’enfuit assise sur un hippocampe ; elle se retourne du côté du Cyclope ; son bras droit est appuyé sur la croupe du cheval, tandis que le gauche, qui étreint le col de la monture, retient un manteau rouge qui glisse jusqu’au bas des reins. La draperie rouge et la crinière noire du cheval font ressortir la blancheur des chairs de la nymphe. A l’arrière-plan, on aperçoit un bras de mer enfermé entre de hautes falaises. Les montagnes sont couronnées d’arbres, les eaux ont conservé leur transparence : « Je ne me rappelle pas de paysage antique, dit M. Perrot, où il y ait une plus heureuse et plus large interprétation de la nature. » L’autre fresque, la plus belle de toutes par l’exécution, représente Io au moment où Kermès va la délivrer d’Argus. Rien de plus élégant et de plus gracieux que l’attitude de la jeune fille désolée, dont les yeux sont tournés vers le ciel, et qui, dans le désordre de sa douleur, retient à peine sur sa poitrine un manteau prêt à s’échapper. Derrière elle, Hermès arrive en silence, dérobé par un rocher aux regards d’Io et de son gardien, tandis que le vigilant Argus ne perd pas des yeux sa victime, et, comme ramassé sur lui-même, semble prêt à s’élancer sur ce libérateur qu’il redoute. « Ce tableau, dit un des meilleurs juges de la peinture ancienne, M. Helbig, révèle une main extraordinairement habile et sûre, les contours en sont très finement nuancés et pourtant bien arrêtés ; la gamme des couleurs, qui se tient dans des tons relativement clairs, produit une impression harmonieuse et qui repose l’œil. On trouverait difficilement à Pompéi une figure qui égalât celle d’Io au Palatin ; les proportions en sont plus élancées et plus délicates, le coloris plus transparent et plus doux que chez les peintres campaniens. Faut-il expliquer cette finesse supérieure de la conception et de l’exécution en disant que les peintres de Rome avaient bien plus d’occasions que ceux de province de voir et d’étudier de près les originaux grecs ? faut-il songer surtout à l’influence que devaient exercer sur les artistes romains les réalités qui les entouraient et l’élégance des femmes du monde dans la grande cité ? C’est ce que je n’ose décider[1]. »

  1. Nous possédons, à l’École des Beaux-Arts de Paris, une copie très exacte de ces peintures, qui est l’œuvre de M. Layraud, pensionnaire de l’Académie, de France à Rome.