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avait l’habitude de ne rien livrer au hasard, et l’on sait qu’il écrirait d’avance ses entretiens avec sa femme de peur de dire un peu plus qu’il ne voulait. Il faut donc croire que, s’il a préféré le Palatin à tous les autres quartiers de Rome pour y fixer sa demeure, il avait quelques motifs de le faire, et ces motifs ne sont pas difficiles à découvrir. C’est au Palatin que s’était ouvert cet asile de fugitifs et de vagabonds, qui était bientôt devenu une grande ville ; c’est là qu’avaient habité, disait-on, tous les anciens rois de Rome. Auguste tenait beaucoup à se mettre dans leur compagnie : quand il fut résolu à quitter le nom d’Octave, que les proscriptions avaient déconsidéré, et à en prendre un nouveau, celui de Romulus le séduisit d’abord, et il l’aurait préféré aux autres, si la fin violente du premier roi n’avait paru d’un mauvais augure pour son successeur. Il est donc sûr qu’en se logeant sur la colline qui avait été le siège de la royauté, il espérait hériter du respect dont on entourait ces anciens souvenirs. Aussi prit-il beaucoup de soin, ainsi que les princes qui vinrent après lui, pour conserver et réparer tout ce qui restait au Palatin de ce lointain passé. On a remarqué que les palais impériaux s’écartent respectueusement des moindres débris antiques, et les précautions prises pour les laisser en dehors des constructions nouvelles sont visibles encore. On trouvait sans doute que ces monumens vénérables des vieux rois de Rome protégeaient et consacraient la demeure des nouveaux césars.

Auguste tenait aussi beaucoup à ne rient faire brusquement : c’était son grand art de ménager les transitions, d’éviter en tout le scandale et la surprise, et d’accomplir sans bruit les changemens les plus graves. Il ne négligea pas de le faire en cette occasion, quoiqu’elle fût en apparence moins importante, il savait qu’à un monarque il faut un palais, et que le maître du monde ne pouvait pas loger comme un simple particulier, il résolut donc d’agrandir la petite maison d’Hortensius, qui ne suffisait plus à sa fortune. Après sa victoire sur Sextus Pompée, quand son pouvoir fut reconnu de toute l’Italie, qu’il venait de délivrer de la crainte d’une guerre servile, il donna l’ordre à ses intendans d’acheter un certain nombre de maisons qui entouraient la sienne et de les démolir. Comme ces démolitions pouvaient donner à penser aux esprits soupçonneux, il fit dire que ce n’était pas pour lui seul qu’il travaillait, mais dans l’intérêt du public, et qu’il voulait consacrer une partie du terrain à des édifices religieux, il y fit en effet bâtir le fameux temple d’Apollon Palatin, et les deux bibliothèques, grecque et latine, dont il est si souvent question chez les écrivains de ce temps. La magnificence de ces constructions attirait seule l’attention publique, et l’on ne s’apercevait guère qu’en même temps la maison