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ville, Je t’en supplie, père des dieux et des hommes, éloigne de nous l’ennemi, calme la frayeur de mes soldats, arrête leur fuite honteuse, et moi je te bâtirai ici un temple qui rappelle éternellement à la postérité que Rome a été sauvée par ton secours. » C’est ce temple dédié au dieu qui arrête les fuyards (Jupiter Stator) dont on a retrouvé les débris. Ce point une fois fixé, on s’oriente assez aisément dans la vieille ville de Romulus. Il ne tient qu’à nous de la parcourir par l’imagination et d’en retrouver les principaux monumens. « Près de Jupiter Stator, nous dit Tite-Live, habitait Tarquin l’Ancien, » et M. Rosa a placé un écriteau à l’endroit où devait être sa maison. Un peu plus bas s’élevait le temple de Vesta, où brûlait le feu sacré ; on suppose que les fondations en existent encore sous l’église de Sainte-Marie-Libératrice. Auprès de cette église, on a retrouvé, il y a déjà longtemps, les tombes de quelques vestales qui, fidèles à leur vœu jusqu’après leur mort et refusant de prendre leur place dans la sépulture de leur famille, ont voulu rester vivantes et mortes auprès de la déesse qu’elles servaient. Plus loin, au coin du Vélabre, se trouvait la seconde porte du Palatin, celle qu’on appelait la porte Romaine. L’emplacement en est visible encore à l’extrémité de la rue de la victoire (clivus Victoriœ). Derrière Saint-Théodore, sur le versant de la colline situé en face du Forum boarium, on montrait aux curieux et aux dévots, jusque dans les derniers temps de l’empire, une petite grotte ombragée d’un figuier, qu’on appelait le Lupercal. C’était là, disait-on, que la louve avait allaité les jumeaux divins ; aussi y avait-on placé une louve de bronze, ouvrage d’un sculpteur étrusque, qui s’est retrouvée au commencement du XVe siècle et orne aujourd’hui le musée du Capitole. Un peu plus loin, presqu’en face du grand Cirque, on voyait un monument plus vénérable encore, et qu’un vrai Romain ne pouvait visiter sans émotion : c’était la maison ou plutôt la cabane de Romulus, avec son toit de chaume, modeste demeure où deux rois, dit un poète, se contentaient d’un seul foyer, et qui formait un contraste étrange avec les palais de marbre qui l’entouraient. On la conservait, on la réparait avec tant de soin qu’elle existait à la fin du IVe siècle. Ces monumens, et d’autres encore de la même époque, comme l’autel d’Hercule (ara maxima), l’escalier de Cacus, etc., n’existent plus ; mais nous savons où ils devaient être et nous ne risquons guère de nous tromper en attribuant à quelques-uns d’entre eux les décombres amoncelés en divers endroits de la colline.

Peut-être trouvera-t-on que je traite bien sérieusement ces vieux souvenirs, et que c’est faire trop d’honneur à Tite-Live ou à Denys d’Halicarnasse d’avoir l’air de croire ce qu’ils nous racontent de ces temps reculés, mais Ampère remarquait déjà que, s’il est fort aisé