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nous trouvons de charme à les voir, et nous finissons par éprouver la plus grande peine à nous en détacher. Borne est la ville du monde où la curiosité et l’admiration se lassent le moins, et l’on a remarqué que ceux qui l’ont habitée le plus longtemps sont aussi les moins empressés à la quitter et les plus désireux d’y revenir. Le pape Grégoire XVI, qui était un homme d’esprit, demandait toujours aux étrangers qui venaient prendre congé de lui combien de temps ils étaient restés à Rome. Quand on n’y avait passé que quelques semaines, il se contentait de dire : Addio ; mais à ceux qui venaient d’y séjourner plusieurs mois il disait toujours : Au revoir.

Ces réflexions, qui s’appliquent à Rome entière, conviennent peut-être mieux aux ruines du Palatin qu’à toutes les autres : c’est là surtout que le voyageur trop pressé court le risque de ne rien comprendre ; c’est là que l’amateur curieux, qui se donne le temps de connaître, est sûr d’être largement payé de sa peine. Comme le Palatin est le plus ancien des quartiers de Rome, les constructions d’époque différente y étaient encore plus entassées qu’ailleurs. Il a eu, sous tous les régimes, une grande importance : les rois, la république, l’empire, y ont laissé des monumens considérables qui depuis dix siècles étaient recouverts de terre. Les fouilles de ces dernières années nous en ont rendu quelques-uns, mais par malheur elles nous les ont rendus tous ensemble. Ces édifices s’étant affaissés les uns sur les autres reparaissent à la fois, et il semble d’abord qu’au milieu de cette confusion on ne parviendra jamais à se reconnaître. Heureusement que chaque siècle à Rome a eu sa façon particulière de construire et qu’à chaque époque on a employé des matériaux différens ; selon qu’un mur est bâti en péperin, en travertin ou en brique, on peut dire à peu près son âge. Il y a de plus, dans la manière dont les briques sont jointes ensemble ou les blocs posés l’un sur l’autre, des indices qui ne trompent pas un archéologue exercé. Il arrive enfin quelquefois que les tuyaux de terre ou de plomb qui servaient à conduire les eaux dans les maisons portent la marque de l’atelier d’où ils sortent ou même le nom des consuls sous lesquels ils ont été fabriqués, ce qui achève de lever tous les doutes. C’est ainsi qu’on est parvenu à distinguer d’une manière à peu près certaine l’âge des monumens qu’on a découverts. Profitons de tous ces renseignemens pour nous rendre compte de ce qui reste du palais des césars, et cherchons à savoir ce que les dernières fouilles nous ont rendu des diverses périodes de l’histoire du vieux Palatin[1].

  1. Notre allons énumérer les principaux monumens du Palatin d’après leur âge et non dans l’ordre où ils se présentent au voyageur. Si l’on a besoin d’un guide pour le palais des césars, on fera bien de choisir celui qu’ont publié MM. Charles-Ludovic Visconti et Rodolphe Lanciani. C’est un excellent ouvrage, à la fois simple et savant, très propre à contenter les gens qui veulent être bien renseignés et qui souhaitant avoir des notions exactes sur les monumens qu’ils visitent.