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sauvages seront mêlées ensemble, — quand les mers bouilliront, — quand les âmes seront rejointes à leurs corps, — quand la petite fille enterrée vive demandera pour quel crime on l’a fait mourir, — quand les feuilles du livre seront déroulées, — quand les deux seront lacérés comme une peau, — quand l’enfer vomira des flammes, — quand le paradis sera rapproché de nous, — alors toute âme saura ce qu’elle a fait »


Mais ce n’est pas sur des fragmens plus ou moins poétiques qu’il faut juger une religion et son livre sacré. Il vaudra mieux demander au Koran ce qu’il faut croire des reproches les plus accrédités que l’on fait à l’islamisme et à son fondateur. Ces reproches se résument assez bien dans les miracles bizarres attribués à Mahomet, dans le fatalisme énervant qu’il aurait enseigné, dans la guerre sainte qu’il aurait prescrite comme un devoir permanent à ses fidèles, enfin dans le paradis tout plein de voluptés sensuelles qu’il aurait proposé comme récompense éternelle aux élus. Reprenons rapidement chacun de ces chefs d’accusation.

Ceux qui ne connaissent l’islamisme et le Koran que de réputation seront peut-être bien étonnés d’apprendre qu’il n’est pas de religion au monde qui soit moins solidaire du miracle comme preuve à l’appui de ses prétentions. Les prodiges que l’opinion vulgaire endosse à Mahomet sont imputables à ses successeurs. Il est à ce propos très curieux d’observer que les censeurs de l’islamisme se sont partagés en deux camps. Les uns, et ce sont les plus nombreux, n’ayant pas étudié les sources, se sont moqués des miracles attribués à Mahomet, en ont relevé l’absurdité ou la niaiserie et ont pensé que par là ils démasquaient « l’imposteur. » Les autres, plus circonspects, ont cru au contraire que le christianisme prouvait sa supériorité par les miracles qui avaient entouré son berceau ; tandis que l’islamisme en était dépourvu. Il y a bien dans le Koran dix-sept passages où Mahomet est sommé de faire un miracle, et où il refuse. L’un des plus remarquables est celui-ci, Sura XIII : « Les incrédules disent : A moins qu’un signe ne lui vienne d’en haut de la part de son Seigneur, nous ne croirons pas. Mais, ô Mahomet, tu n’es qu’un prêcheur ! » On ne peut citer que deux versets douteux et s’expliquant fort bien naturellement en faveur de l’opinion contraire. Sans doute Mahomet lui-même n’avait contre le miracle en soi aucune de nos préventions modernes, l’essentiel est pourtant qu’il n’y croyait pas comme à un élément nécessaire de sa révélation. Les miracles ne persuadent pas, dit-il à mainte reprise.

Quant au fatalisme, il y a sans contredit plus d’un passage dans le Koran qui le suppose ou l’enseigne. Mais y en a-t-il plus que dans la Bible ? La réponse à cette question est au moins douteuse. En traitant cette matière, il faut toujours se rappeler que le