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tout ce qu’il fallait pour qu’elle ne le fût plus ! Cela implique, comme on disait autrefois dans l’école.

Ainsi que bien d’autres prophètes, Mahomet passa par une première période de trouble et d’indécision. Et ici nous ne pouvons nous empêcher de porter en compte à son actif le fait que la bonne Khadija fut la première qui crut à sa vocation prophétique. On aura beau dire, n’est pas prophète qui veut aux yeux de sa femme.

Les débuts de sa mission n’eurent cependant rien de très encourageant. Pendant les trois premières années, le nouveau prophète ne réussit à faire que 14 prosélytes. On le montrait au doigt quand il passait, on lui jetait des pierres, ses oncles se moquaient de lui, les habitans de La Mecque n’en parlaient qu’avec dédain. Avec tout cela, ses prédications ardentes pouvaient avoir au moins ce résultat négatif que le culte de la Kaaba ne serait plus aussi fréquenté, et les Koraïtes, comme les orfèvres d’Éphèse, finirent par avoir des craintes au sujet de leurs revenus. Ils décidèrent l’oncle Abou-Taleb à raisonner son neveu, en lui faisant entendre que, s’il persistait, on en viendrait contre lui aux mesures les plus sévères. Il faut encore avouer que Mahomet fit à ces ouvertures une réponse à la Luther : Quand ils rangeraient contre moi, dit-il, le soleil à droite et la lune à gauche, tant que Dieu me l’ordonnera, je persévérera dans mon dessein.

Dix années se passèrent ainsi pendant lesquelles le cercle des fidèles s’élargit insensiblement, mais aussi la persécution devint plus sérieuse. Khadija mourut, l’oncle Abou-Taleb, qui le protégeait, bien qu’il ne crût pas à sa mission, mourut aussi. La position devenait intenable à La Mecque. En prêchant ses doctrines réformatrices aux pèlerins venus pour faire leurs dévotions à la Kaaba, Mahomet avait fait quelques conversions parmi ceux de Médine, et ils lui avaient offert, en cas de besoin, un asile chez eux. Vint le moment de mettre à profit cette offre hospitalière. Les jours du prophète étaient décidément menacés. Accompagné du seul Abou-Bekr, Mecquain revêtu d’une sorte de magistrature et qui lui était dévoué, il échappa aux assassins apostés contre lui et passa trois jours caché dans une caverne, pendant que ses persécuteurs battaient la campagne pour le découvrir. C’est là, dit-on, qu’eut lieu le prodige du fil d’araignée que les émissaires des Koraïtes virent tendu en travers de l’entrée de cette caverne, et qui leur fit croire qu’il était inutile d’en sonder les profondeurs. Il en sortit enfin et se rendit à Médine où l’attendait le meilleur accueil.

Avec l’hégire, c’est-à-dire la fuite à Médine, finit ce qu’on serait tenté d’appeler la phase évangélique de l’islamisme. L’âge de la première innocence est passé sans retour. Jusqu’alors la nouvelle