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causes de ces oscillations violentes, incessantes, dans lesquelles nous nous débattons à la recherche d’un équilibre toujours fuyant. Là est la vraie force modératrice sans laquelle tout reste à la merci de ceux qui poursuivent des victoires de parti.

Ce n’est pas facile, nous le savons bien, de rapprocher, de réunir en faisceau ces opinions modérées et pour ainsi dire centrales : elles sont presque aussi séparées que les opinions extrêmes. Elles forment des groupes distincts, elles ont des attractions différentes, des habitudes, des relations, des engagemens, des susceptibilités qui aggravent les divergences. Les constitutionnels, qui se rapprochent de la droite, craignent de se livrer, et ils ont la naïveté de demander aux autres ce qu’ils ne veulent pas faire eux-mêmes. Ils veulent que le centre gauche se rende à merci, qu’il commence par reconnaître leur supériorité, qu’il rompe d’abord tous ses liens avec la gauche. Ils négocient de temps à autre, ils gardent des intelligences, ils ont des velléités, et au premier incident qui dérange leurs combinaisons, ils se replient effarés sur la droite, dont ils restent après tout les prisonniers. Ils votent de mauvaise humeur souvent, mais ils votent sous le prétexte de ne pas se séparer du parti dont ils devraient être les modérateurs, dont ils ne sont fréquemment que les alliés inquiets et mécontens. Le centre gauche, à son tour, sent bien qu’il ne remplit pas son vrai rôle, qu’il n’est pas à sa vraie place, avec ses vrais alliés ; mais il craint, lui aussi, de se livrer. De même que les constitutionnels lui demandent avant tout de se séparer de la gauche, au moins des radicaux, il demande de son côté aux constitutionnels de se séparer d’abord de la droite, et comme la réponse est toujours à la merci des incidens qui se succèdent, on n’aboutit à rien. Au moindre mouvement, le centre gauche fait comme les constitutionnels, il se replie précipitamment sur son corps de bataille, sur la gauche, dont il reste le prisonnier. Au besoin il parle plus haut que les autres pour se faire compter ; au fond, il a le sentiment de sa position effacée et subordonnée, des fautes qu’on commet, auxquelles il se croit obligé de s’associer. Le plus clair est que des deux côtés ce sont des forces perdues qui, au lieu de se rapprocher et de s’unir, comme elles pourraient, comme elles devraient le faire, vont s’égarer dans des camps opposés sans profit et sans gloire. Ce qu’on n’a pas fait jusqu’ici ou ce qu’on n’a essayé du moins que d’une manière décousue et inefficace, ne peut-on pas le tenter sous la pressante influence de la nécessité ? ne comprend-on pas que pour des nuances, pour des susceptibilités, peut-être pour des questions d’amour-propre et d’importance personnelle ou par indécision on compromet un intérêt essentiel ?

Quelle est donc la différence si grande, si fondamentale entre les hommes du centre droit et les hommes du centre gauche ? Les uns et les autres acceptent sans subterfuge les institutions qui existent ; les uns et