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de France, « le champion de la liberté germanique et des princes captifs. » Quatre-vingts ans plus tard, dans la première moitié de la guerre de trente ans, Wallenstein, vainqueur, parlait d’établir en Allemagne un maître unique ; mais la France, intervenant une fois encore, arrête l’Autriche victorieuse et lui impose ce traité de Westphalie où, pour prix de notre sang et de la liberté religieuse sauvée, elle obtenait la cession définitive de Metz, Toul, Verdun et celle de l’Alsace. Nos armes avaient en même temps assuré l’indépendance de la Suisse et des Pays-Bas.

Ces traités de Westphalie ont réglé, pour un siècle et demi, la condition de l’Allemagne, et les historiens allemands ont raison de déplorer cette condition, qui était ridicule. Qu’était-ce qu’une chambre impériale qui, lorsqu’elle arrivait par hasard à terminer un procès, ne trouvait personne capable d’exécuter ses arrêts ? que cette diète aux trois collèges : le collège électoral, vraie conférence de diplomates, dont chacun pensait à l’intérêt d’un état particulier, et point du tout à celui de l’Allemagne, — le collège des princes, avec son banc ecclésiastique et son banc laïque, où l’on recueillait 94 voix viriles, c’est-à-dire données par une seule personne au nom d’un seul état, et 6 voix curiales, dont chacune était le produit de la cotisation de plusieurs petits princes, — enfin le collège des villes, où siégeaient sur le banc rhénan et sur le banc souabe les représentans de cinquante et une républiques ? Qu’était-ce qu’un empereur dont toute l’autorité consistait à convoquer la diète et à en ratifier les recez, et qui avait pour revenu fixe la taxe sur les juifs de Francfort et de Worms, et l’impôt annuel des villes libres impériales, en tout, dit-on, 13,884 florins et 32 kreuzer ? qu’un empire enfin ouvert de toutes parts à l’ennemi, et qui, pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle, servit de champ de bataille à l’Europe ? M. Himly, qui a dressé la liste des membres des trois collèges de la diète et celle des membres des assemblées des dix cercles, montre bien que dans cette Allemagne en désordre s’annonce pourtant une sorte de hiérarchie. Les plus petits territoires tendent à disparaître, absorbés par les plus gros. Un certain nombre d’états moyens, comme Wurtemberg, Bade, Bavière, Hesse, Nassau, forment déjà une petite Allemagne ; enfin l’état brandebourgeois-prussien, sorti plus fort de la guerre de trente ans, devenu royaume au commencement et grande puissance à la fin du XVIIIe siècle, tient tête à la monarchie austro-hongroise des Habsbourg, et commence à grouper autour de lui l’Allemagne du Nord. Ainsi se préparait l’avenir ; mais comme il aurait marché lentement dans ce pays incapable de se donner une constitution par ses propres forces, si la révolution française et l’empire après elle n’avaient, à force de coups terribles, réveillé l’Allemagne de sa léthargie !

Quels changemens de 1789 à 1815 ! Pour s’être mêlés à nos affaires intérieures, sous prétexte que les décrets de l’assemblée constituante