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gouvernement, si fort en apparence, est en réalité très faible. Sous Frédéric II Hohenstaufen, empereur d’Occident, roi de Germanie, roi d’Italie, roi d’Arles, roi de Sardaigne, roi des Deux-Siciles, roi de Jérusalem, l’anathème pontifical, qui déjà plusieurs fois a tâté cet empire, d’où sont sortis tant d’oppresseurs de l’Italie et d’ennemis de la papauté, le fait crouler.

Il faut la science exacte et lucide de M. Himly pour nous expliquer, à nous Français, dont l’histoire a été du composé au simple, et qui ne pouvons plus supporter l’idée d’une complication, la complication étrange où l’Allemagne a dès lors vécu, avec ses dynasties princières, subdivisées en branches co-régnantes, à faire le désespoir des généalogistes de profession, avec ses principautés ecclésiastiques, abbatiales ou épiscopales, avec ses villes libres d’origine épiscopale ou d’origine royale. Au-dessus de tout cela, une royauté, plus élective que jamais, le droit de suffrage ayant été attribué au XIVe siècle par la Bulle d’or aux archevêques de Mayence, Trêves et Cologne, au roi de Bohême, au comte palatin du Rhin, au duc de Saxe et au margrave de Brandebourg. Ces électeurs du saint-empire portent des titres pompeux : les dignités d’archiéchanson, archiécuyer tranchant, archimaréchal, archichambellan sont réparties entre les laïques ; les trois prélats sont archichanceliers des royaumes de Germanie, d’Italie et de Bourgogne. Réunis, ils sont les « sept flambeaux de l’empire, » et les « sept colonnes du temple ; » mais l’empire, en dépit de ces flambeaux, est dans les ténèbres : il n’y règne d’autre droit public que celui du poing, suivant l’énergique expression allemande (Faustrecht) ; le temple, malgré ses colonnes, s’écroule en plus d’un endroit, et le sage gouvernement de nos rois s’étend, provinces par provinces, sur le royaume d’Arles ; Pourtant l’Allemagne vit, et l’énergie de la vie nationale est attestée par le commerce, l’industrie, le progrès des métiers, des arts et de l’intelligence allemande.

C’est au commencement du XVIe siècle qu’est fait le premier effort sérieux pour mettre un peu d’ordre dans ce chaos. La dignité impériale s’est arrêtée dans la maison d’Autriche, dont les chefs porteront jusqu’en 1806 le titre d’empereur romain élu, toujours auguste. Maximilien, acceptant la constitution fédérative, que le temps a rendue inébranlable, divise l’empire en dix cercles, établit un pouvoir, exécutif central, un tribunal d’empire, un impôt d’empire. Il fait décréter par les diètes une paix perpétuelle ; mais il ne réussit que très médiocrement, et la réforme ne tarde pas à bouleverser l’Allemagne. Trois groupes de frères ennemis s’y forment : catholiques, luthériens, calvinistes. La guerre est partout. En vain les Habsbourg s’efforcent à deux reprises de créer une vraie monarchie. Charles-Quint, qui voulait faire des princes laïques du saint-empire des grands d’Espagne et transformer les princes ecclésiastiques en chapelains, est vaincu par Pallié des protestans, Henri II