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Rhin est la frontière toujours disputée entre deux grands et puissans peuples, en vertu de cette loi fatale qui veut que des peuples voisins soient des peuples ennemis. Il a passé à plusieurs reprises de l’Allemagne à la France et de la France à l’Allemagne, de la France affaiblie des derniers carolingiens et des premiers capétiens à l’Allemagne plus forte des empereurs saxons, franconiens et souabes, de l’Allemagne divisée, épuisée par les guerres du XVIe et du XVIIe siècle à la France une, forte et saine de Louis XIII et de Louis XIV. Ce pays est à qui le mérite : dans l’éternel concours ouvert entre la France et l’Allemagne, il est le prix de la vertu, selon le sens antique du mot, qui signifiait aussi la force.


II

L’écrivain français et l’écrivain allemand, qui suivent la même méthode, présentent, après la description générale du sol, un résumé de l’histoire d’Allemagne. Le premier a le mérite d’une impartialité parfaite. On lui pourrait même reprocher de faire honneur aux anciens Germains de toutes les vertus que leur prête Tacite, sans prendre garde que l’historien romain a mis à décrire le caractère de ce peuple primitif un peu de cette poésie qu’il a versée sur les forêts sacrées dont les Germains révèrent, comme d’invisibles divinités, le silence et l’ombre, sur ces grandes plaines désolées, mœsti loci visuque deformes, sur ces bords de l’Elbe où la Germania s’est dressée pour interdire la route à Drusus, sur cet océan qui est la limite du monde : les premières clartés du soleil couchant s’y heurtent à la surface de l’onde avec les premiers rayons du soleil levant ; les étoiles en pâlissent, et. au dire du populaire, l’habitant du rivage entend le bruit que fait, en sortant de l’eau, le char de Phœbus ; il distingue les rayons dont la tête du dieu est couronnée. Ce serait un plaisir enfantin que de chercher à rabaisser les Germains du temps d’Arminius, pour faire pièce aux Allemands du temps de M. de Bismarck ; mais il faut reconnaître qu’il y a du roman dans le livre de Tacite, où l’on trouve d’ailleurs des renseignemens historiques si précis. Les Germains ont les mœurs et les coutumes des peuples à l’âge de l’enfance. De nos jours, grâce à l’exploration du monde, une vaste enquête se poursuit sur l’humanité entière, et des matériaux s’accumulent pour une histoire comparée de l’homme. La doctrine qui nous soumet sans réserve aux lois fatales de l’ethnographie ne résistera pas à la démonstration expérimentale de cette vérité qu’une quantité de faits semblables se retrouvent chez des peuples de toutes races, et les historiens, sans dédaigner les secours précieux que leur offrent les sciences auxiliaires, rapprendront à tenir compte surtout de l’histoire.

Loin que les coutumes des anciens Germains leur soient propres, on les retrouve, à l’heure présente, en vingt endroits, par exemple dans