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En même temps le gouvernement créait à Madrid une commission chargée d’étudier les mêmes problèmes que ceux qui étaient soumis à la junte de Manille. Quand les études furent terminées, on trouva que des deux côtés les solutions étaient identiques. Voici le résumé des réformes jugées nécessaires : modification du tarif des douanes et réforme dans la manière de les appliquer, — suppression du droit différentiel imposé aux pavillons étrangers, — réduction des droits d’exportation sur les produits du pays, — permission accordée aux étrangers de s’établir aux Philippines, d’acquérir des immeubles, d’exercer leur culte en toute liberté et même d’y posséder des navires de commerce portant le pavillon espagnol, — création d’un conseil chargé d’informer le ministre des colonies à Madrid de ce qui intéressait l’archipel, — réforme de l’enseignement primaire et supérieur, — formation d’une école d’administration civile destinée à empêcher le renvoi en Europe et en masse des employés à chaque changement de ministère, — révision des contributions directes, — enfin abolition du monopole des tabacs.

Grâce à la présence au ministère d’outre-mer de l’honorable don Segismond Moret et Prendersgat, quelques-unes de ces réformes s’accomplirent. La révision des tarifs des douanes donna en 1874 une augmentation de 60 millions sur 1867, soit 60 pour 100, d’augmentation. Avant la loi nouvelle sur les étrangers, on ne voyait en rade de Manille que deux petits bateaux à vapeur ; aujourd’hui on en compte une douzaine d’un assez fort tonnage. Le monopole de l’enseignement enlevé aux ordres monastiques permit, d’un autre côté, aux créoles d’étendre le cercle étroit des carrières libérales auxquelles il leur était permis de prétendre.

L’arrivée en 1871 du général Izquierdo y Gutierez à Manille coupa court à toutes les autres améliorations. Le parti indigène réformiste n’en continua pas moins sa croisade dans les journaux de la Péninsule. C’est peut-être à la violente polémique qui s’engagea alors entre le clergé séculier et le clergé régulier qu’est due la politique de combat inaugurée par le nouveau général : système fatal qui devait aboutir à une révolution et à une rigoureuse répression.

Le jour de la prise de possession de son mandat, don Rafaël Izquierdo fit connaître clairement quelles étaient ses tendances et les instructions qu’il apportait de Madrid. « Je gouvernerai, dit-il aux fonctionnaires civils et religieux qui l’entouraient, avec une croix et un sabré à la main ; » puis, désignant les portraits de Magellan et de Legaspi, qui décoraient son salon, le général exprima le regret de ne pas voir à côté de ces grands hommes les fondateurs des ordres monastiques dont il avait devant lui les représentans. Il était impossible de mieux imiter le langage des capitaines qui conquirent le Mexique par le fer et l’Évangile.