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tout au plus de deux ou trois jours, est de 10 centimes l’un ; mais le plus grand bénéfice des éleveurs est celui qui se fait sur les œufs vendus frais, cuits ou salés. Les indigènes, et principalement les Chinois, en font leurs délices. L’incubation n’est nullement confiée à des hommes-couveurs, comme l’affirme sérieusement Dumont-d’Urville. La ponte est mise simplement sur une couche de son, et la chaleur naturelle qui s’en dégage suffit à la vivification des germes. Les mollusques servant de nourriture aux petits canards seraient depuis longtemps épuisés, si les Indiens ne savaient la manière de reproduire les premiers tout aussi abondamment que les seconds. Il suffit pour cela d’établir dans le lac voisin de Bay, aux endroits peu profonds, de longues estacades couvertes de ramées et d’y placer une poignée de mollusques reproducteurs. En un mois, les branchages sont couverts de petits coquillages, et l’éleveur n’a qu’à secouer les estacades pour recueillir en quelques minutes la nourriture de ses élèves. C’est le système employé par M. Coste pour la reproduction des huîtres. Comment, avec une patience semblable, l’Indien est-il si inhabile lorsqu’il s’agit d’élever le gros bétail ? Nous ne pouvons l’expliquer, car les pâturages sont superbes et sans valeur à quelque distance de la capitale. Toujours est-il que les bœufs et les porcs, — il n’y a presque pas de moutons, — conduits par les marchands de bestiaux aux abattoirs donnent une viande détestable et sans saveur. Il en est de même de la volaille, dont il faut manger tous les jours faute de mieux sous trois ou quatre formes différentes. Dans quelques provinces on trouve des chevaux d’une taille assez haute et d’une vigueur étonnante, mais c’est l’exception ; on peut juger de l’état général de la race chevaline aux Philippines, lorsqu’on saura qu’on a pu fournir une centaine de ces quadrupèdes à la Cochinchine française au prix de 60 francs la pièce. On explique pourquoi ces animaux n’acquièrent jamais une grande vigueur par l’usage qu’ont les Indiens de ne jamais les laisser se coucher dans les écuries, de ne les nourrir qu’avec de l’herbe verte et d’altérer continuellement l’eau qu’ils boivent en la mélangeant avec de la mélasse ; c’est peut-être le seul pays du monde où les chevaux boivent de l’eau sucrée.

Les indigènes, malgré leur indolence habituelle, aiment à se dire attachés à une administration quelconque ou à paraître appartenir à une profession qui leur donne un certain relief. Ils encombrent les bureaux des douanes, ceux du palais du gouverneur, des maisons de commerce et les tribunaux. Ils y font peu de besogne et ne gagnent qu’un salaire minime. Mais leur idéal, leur ambition suprême, c’est de devenir un jour assez bons artistes pour faire partie d’une bande de musiciens en renom, et assister ainsi à toutes les fêtes, nourris, proprement vêtus et bien payés. Il n’y a pas un