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inspiré de l’antique jusqu’à la servilité, il n’a pas réussi à en exprimer la grandeur souveraine et la grâce austère. Ce n’est qu’un thème irréprochable, sans force et sans originalité, une scène glacée que n’anime pas la vie et que n’agite pas le mouvement. Heureusement pour sa mémoire, Perraud laisse un chef-d’œuvre : l’Enfance de Bacchus. Cabet laisse aussi un beau marbre qu’il a appelé 1871. C’est une femme à genoux qui pleure sur la patrie mutilée. L’artiste qui l’a sculptée avec tant de talent et tant de sentiment mérite d’avoir sur sa tombe cette statue tumulaire.

M. Antonin Mercié expose le plâtre du haut-relief qui, coulé en bronze, remplacera au guichet du Louvre la statue équestre de Napoléon III qu’on a enlevée à la révolution du A septembre. Le sculpteur a symbolisé le Génie des Arts. C’est un beau jeune homme nu, accusé dans le type apollonien, monté sur un Pégase qui se cabre. Devant le Génie vole une muse drapée, tenant à la main un rameau de laurier. A voir ce groupe dans son ensemble, c’est une œuvre superbe ; à le juger dans ses détails, il ne saurait être exempt de critiques. On se laisse aller d’abord à admirer le feu et les belles lignes de la composition, le jet superbe des draperies, le furieux mouvement et le galbe élégant des figures, le relief et la lumière du groupe. Puis, bientôt revenu de cette admiration spontanée, on raisonne et on se demande pourquoi M. Mercié a paralysé le mouvement du cheval en y asseyant son génie dans la pose d’un acrobate. Voici Pégase qui, on le peut dire sans jeu de mots, ne vole plus que d’une aile. On remarque aussi de choquans défauts de proportions dans les figures du cavalier et du cheval. Le cheval a l’encolure beaucoup trop courte pour son énorme corpulence. Le génie a le bras trop gros, si on le compare à la cuisse gauche, infiniment trop grêle. Cette disproportion est accusée encore davantage par le jeu de la lumière qui s’accroche sur le bras, le modelant par larges plans, et au contraire glisse sur la cuisse en l’amincissant. Le pied du génie est aussi bien lourd. Par contre, il faut louer sans restriction la figure de la muse, d’une grâce charmante, d’une légèreté aérienne et drapée avec un art accompli. N’est-ce point d’ailleurs une innovation hardie en sculpture que ces trois figures volant dans le vide et dont par conséquent les pieds ne reposent sur rien. Dans un tableau, cela est fort admissible ; des figures peuvent s’enlever dans l’espace, baignées d’air et enveloppées d’azur ; mais la statuaire a des lois plus étroites qui exigent que toute figure en ronde-bosse, qui n’est point seulement une apparence comme une figure peinte, repose sur quelque chose. Après avoir formulé ces critiques, on est heureux de retrouver sa première impression et de donner les plus sincères éloges à cette œuvre, où la