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finesse exquise dans les rapports du rose pâle des chevrettes grises, du rose vif des crevettes roses et du rouge de la langouste. Cette toile, qui sent la marée, a l’éclat charmant d’un tableau de fleurs. M. Bergeret a peint aussi des prunes et des raisins dont il a merveilleusement rendu la pulpe humide et la peau satinée. Les asperges de M. Claude ne le cèdent pas pour l’exécution aux crevettes et aux fruits de M. Bergeret. M. Philippe Rousseau a posé sur une nappe blanche, avec une maestria à la Chardin, un couvert, un plat rempli par un gros jambon anglais, un flacon de pickles et un morceau de pain. Le repas est frugal, mais en joignant à ce jambon les asperges de M. Claude, les langoustes, les crevettes et les prunes de M. Bergeret, on pourrait faire au Salon de 1877 un agréable déjeuner. On pourrait même, après le repas, se couronner à la mode antique avec les primevères et les chrysanthèmes de M. Lejouteux.


VIII

Les Grecs, qui sont restés nos maîtres en sculpture comme en tant d’autres choses, avaient compris que la lumière est une des conditions de l’art statuaire. Qu’on regarde les fragmens mutilés des frontons du Parthénon, le bas-relief de la victoire sans ailes, les plus belles statues antiques. Par la lumière éclatante épandue sur les parties en relief, par les demi-teintes s’atténuant sur les parties fuyantes, par l’ombre s’épaississant sur les parties en retraite et dans les plis des draperies, fouillés jusqu’à dix centimètres de profondeur, les maîtres grecs arrivaient à ajouter, un nouveau relief au relief naturel de la ronde-bosse. Ils obtenaient une apparence de vie et de mouvement ; ils poussaient au dernier degré de puissance l’animation vitale du marbre. C’est surtout au point de vue de la magistrale distribution de la lumière que la statue de M. Chapu mérite les plus grands éloges. La lumière éclate sur le visage, court sur le bras, fait resplendir la poitrine et glisse en un jet puissant sur la cuisse, dont elle accuse le relief sous la draperie. L’ombre baigne le dessous du menton et accuse à gauche tout le contour extérieur de la figure, qu’elle fait ainsi apparaître eu relief, donnant leur plus grande valeur aux parties éclairées. Mais ce que les Grecs dans leur souverain instinct de l’harmonie, qui se traduit en art par la pondération des lignes non moins que par le mouvement normal du geste et par l’expression juste de l’action, pardonneraient avec peine à M. Chapu, c’est la conception de l’œuvre. Qu’est cette statue destinée à un monument funéraire, celui de Daniel Stern ? Est-ce donc la Pensée que représente cette figure drapée qui, fixant