Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

logis, droguiste ou herboriste à en juger par les plantes séchées qui pendent à la cheminée, les bocaux qui sont rangés sur une planche, et le crocodile empaillé qui se balance au plafond. Le digne boutiquier est encore à table, à côté de sa femme, une jolie commère coquettement attifée. Homme défiant et ombrageux, il a déjà lu les certificats et autres papiers du nouveau commis, mais avant de l’arrêter, il fixe sur lui un regard inquisitorial. La jeune femme, au contraire, regarde ce nouvel hôte avec une expression d’intérêt qui n’a pas été interprété à l’honneur de sa vertu. Quoique cette petite toile ne nous plaise pas au dernier point, nous sommes forcé d’en reconnaître les qualités. Les figures sont modelées avec fermeté et dessinées sans sécheresse, et l’ensemble séduit par sa vive couleur. Dans la Sérénade, M. Vibert a la main moins libre et moins souple. M. Worms marche de pair avec M. Vibert. Sa couleur est pourtant plus froide, et son modelé a moins d’accent. Il expose deux tableaux : la Fontaine du taureau à Grenade, composition un peu vide, où l’exécution magistrale de la vieille fontaine de marbre, avec ses mascarons frustes et ses statues dégradées, est particulièrement à louer, et la Fleur préférée. Un amateur de jardin montre à un ami un pot de fleurs qu’il vient de prendre à terre. Le bonhomme est Espagnol, mais il aime les fleurs avec la passion d’un bourgeois de Harlem.

M. Frappa continue à nous initier aux mœurs des moines italiens. Dans la Récréation, ces bons pères luttent ensemble au milieu du jardin du cloître. Un autre petit tableau, peint comme avec la pointe d’une aiguille, montre un moine qui emploie son temps, entre la messe et les vêpres, à lire Rabelais. Étendu sur la balustrade d’une galerie à hauteur d’appui « il s’esclaffe de rire » à la lecture des hauts faits de Pantagruel. Il y a plus de solidité de pâte et plus de liberté de touche que jamais dans les deux spirituelles compositions de M. Eugène Giraud : la Salle des Pas-Perdus et le Retour du cabaret. L’Avant-dîner, par M. Alfred Didier, est un joli tableau d’une exécution très poussée et d’un fin coloris. Dans ses scènes empruntées à la vie familière de l’antiquité, M. Heullant se montre l’étourdissant coloriste qu’on sait. La visite de M. Jules Goupil est un bon tableau, d’une exécution froide, presque austère qui ne convient guère au sujet. On est accoutumé de voir les scènes du directoire sous un tout autre aspect. La Becquée, de M. Rougeron, est une peinture impressionniste, très vive et très hardie. Le Récit de chasse, de M. Munkacsy, est moins poussé au noir que ses tableaux des années passées. Il y a là du relief et de l’air. Une vente à l’hôtel Drouot, par M. Fichel, est encore un tableau à succès. Le portrait de Me Pillet, qui conduit la vente, et de quelques amateurs bien connus sont assez ressemblans, quoique alourdis, mais la