Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/841

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Carolus Duran a exposé un très beau portrait d’enfant et un -portrait de femme qui appelle la discussion, bien qu’il porte aussi la marque du grand talent du peintre. Tout d’abord la forme de la toile, qui affecte la figure d’un carré long, n’est point heureuse, Étendue sur une chaise longue de velours blanc festonné de dessins ronges et verts, Mme de L… a le coude appuyé sur un large coussin de satin cerise, dans une pose quelque peu prétentieuse. La robe blanche qui l’habille semble trop fripée pour une étoffe de satin ; d’ailleurs cette robe manque d’éclat. Le rideau gros-vert qui descend au fond est au contraire d’un ton très riche. On s’offusque à tort de la note vibrante du coussin ; le ton est trop franc pour détonner. Au demeurant la figure vaut mieux que le décor. Le visage, la poitrine, les bras sont pleins de relief et de vie, et ces grands yeux bleus vous regardent avec une fixité vivante. Plus simple de composition et d’ajustement est le portrait d’enfant. Vêtu d’une robe de velours brun ornée d’une collerette de guipure, il se détache en vigueur sur un grand rideau bleu d’outre-mer, à reflets verts, d’une intensité extraordinaire. Il porte à ses jambes nues de petites chaussettes mal tirées d’un bleu-vert qui rappelle dans un note plus adoucie le magnifique ton du rideau. Il est debout, les mains entre-croisées au-dessous de la taille, dans une pose très naturelle. Ce petit garçon est un blond à yeux noirs. M. Carolus Duran excelle à peindre ce type anormal qu’accompagne presque toujours une chaude carnation. Aussi dans quelle éclatante harmonie son pinceau a modelé ce visage, ces bras nus et cette petite poitrine décolletée ! Ce qu’il faut surtout admirer, c’est la franchise et la hardiesse de la touche. Les lèvres, le nez, les yeux, tous les contours de l’intérieur du galbe sont accusés avec une audace, une sûreté, une précision et une largeur sans pareilles. M. Carolus Duran n’a jamais mieux fait. Voici un portrait qui a la couleur et le dessin, la lumière et le relief, l’effet plastique et l’apparence vivante, pourquoi, au risque d’être contredit, ne pas oser dire que c’est un chef-d’œuvre ?

Le mot chef-d’œuvre, qui d’ailleurs n’a peut-être pas dans les arts la même signification que dans les lettres, nous le répétons non pas avec plus de conviction, mais avec moins de crainte des contradictions, devant le petit portrait d’enfant de M. Paul Dubois. C’est un profil de petite fille s’enlevant en relief sur un fond neutre. On ne voit que le haut du buste, couvert d’une robe vert foncé avec un grand coi blanc attaché par un nœud de ruban marron. Une abondante chevelure châtain, retenue au sommet de la tête.par un autre nœud marron, tombe en boucles sur les épaules. On ne saurait dire la chaude harmonie et la couleur vigoureuse de ces tons sobres