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Antoine de Bourbon ; mais le comte d’Aumale s’était déjà mis sur les rangs. Les deux maisons de Bourbon et de Lorraine se disputèrent la Navarre avant de se disputer la France.

Henri d’Albret alla au sacre du roi avec sa fille, qu’il avait prise en passant à Plessis-les-Tours : la reine Marguerite, malade, était restée en Poitou. Henri II hésitait ; le duc de Vendôme était de plus grande maison, mais Diane de Poitiers travaillait pour la Lorraine. Il consulta Jeanne elle-même : la princesse savait, comme tout le monde, que le frère cadet de François de Lorraine, Claude, marquis de Mayenne, allait épouser Louise de Brézé, fille de Diane de Poitiers ; mise en demeure de choisir par le roi entre le prince de Bourbon et le prince de Lorraine, elle se contenta de lui dire : « Voudriez-vous, Monseigneur, que celle qui me doit porter la queue fût ma belle-sœur, et que la fille de madame de Valentinois vint à me côtoyer ? » La leçon était sévère dans la bouche d’une jeune femme, et adressée à celui qui affichait hautement ses amours avec madame de Valentinois. Henri II la prit en bonne part et donna son assentiment au mariage avec le prince de Bourbon. Il y avait une difficulté : le roi de Navarre ne voulait ni de Lorraine ni de Bourbon ; il demanda un délai de quelques mois ; il vint, quoique travaillé de la goutte, assister au sacre de Henri II et parla d’emmener sa fille. Le roi n’y voulut pas consentir.

Henri d’Albret songeait toujours à une alliance avec Charles-Quint. Il envoya divers agens en Espagne pour sonder le terrain. À défaut d’un prince de la maison d’Autriche, il eût encore préféré le prince de Piémont à un prince français. Charles-Quint appréciait les qualités de la jeune princesse de Navarre ; dans un testament qu’il fit le 18 janvier 1540 il en parle à son fils comme d’une épouse « d’un extérieur agréable, vertueuse et parfaitement élevée. » Il lui dit que, s’il ne peut épouser la sœur du roi de France, « il faudrait à mon avis tourner vos regards sur la princesse de Navarre, pourvu que l’on obtînt une renonciation à toutes prétentions sur le royaume de Navarre, et que l’on pût faire sortir de France la princesse. »

Quand le roi de France, revenu d’un voyage en Piémont, fit son entrée solennelle à Lyon, parmi les princesses du cortège, un témoin cite Marguerite de Navarre et sa fille, dans une litière couverte de velours noir. Antoine de Vendôme se tenait à cheval à la portière. Henri II décida à Lyon que le mariage ne devait plus être retardé. Il écrivit à ce sujet une lettre au connétable, qui était à ce moment à Bordeaux, et qui peut-être l’informait des projets d’Henri d’Albret. Il dit au connétable que l’ambassadeur de l’empereur était venu voir la reine de Navarre et le chancelier pour les