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avait ordonné qu’on respectât les églises, mais le feu qui prit aux maisons mit tout en cendres.

Cet exemple jeta la terreur dans tout le pays : Juliers se rendit, toutes les villes firent leur soumission. Venloo voulait résister, et le siège allait commencer quand arrivèrent au camp impérial le sire de Brunswick et le coadjuteur de l’archevêque de Cologne pour offrir leur médiation entre Charles-Quint et son vassal. François Ier approchait : l’empereur consentit à pardonner au duc de Clèves et à le recevoir. Celui-ci se présenta le lendemain et resta longtemps à genoux devant l’empereur. Charles-Quint le renvoya à Granvelle, qui signa avec le duc le traité de Venloo ; le prince rebelle était contraint de livrer deux places en garantie, d’abandonner l’alliance française, de joindre ses troupes à celles de l’empereur, de remettre tous ses états à l’empereur, qui les lui rendait en partie comme fiefs.

Le duc écrivit à François Ier pour lui annoncer les termes du traité : il ajoutait que, renonçant à l’alliance de la France, il revendiquait pourtant sa femme française. François Ier entra dans une grande colère en recevant ces nouvelles ; Marguerite, sa sœur, ne dissimula pas sa joie : il lui sembla que sa fille était délivrée. Jeanne d’Albret écrivit elle-même à l’envoyé du prince : elle lui rappela les rigueurs dont on avait usé envers elle pour lui arracher un consentement à une union contraire à sa volonté. « Je me délibéray prendre mon seul recours à Dieu, lequel m’a faict cette grâce que le seigneur de Clèves a fait contre luy-même chose qui tient le roy et mon père quiètes et deschargés de la volonté et de la promesse qu’ils luy pouvaient sur ce avoir faicte. Ne reste plus que à vous respondre de madicte volonté de laquelle je crois que, qui en demanderait à monseigneur de Clèves, il saurait bien que en dire. » Le duc de Clèves n’avait réclamé sa femme que pour la forme, car pendant les grands événemens qui suivirent sa défaite nous le voyons occupé de nouvelles négociations matrimoniales. Pourtant François Ier prétendait le tenir pour engagé à son alliance et se servait de la princesse de Béarn comme d’une arme contre lui. Dans le traité de Crespy (17 et 18 septembre 1544), il fut spécifié que le roi de France ferait délivrer à l’empereur les deux protestations faites par Jeanne d’Albret au moment même de son mariage. Granvelle reçut ces protestations : il n’en fut pas satisfait et demanda une nouvelle déclaration faite devant notaire. La princesse la donna à Alençon : « N’ay voulu ny entendu prendre pour mary ledit duc de Clèves, comme aussi je ne le veulx ni entends prendre pour mary, et ce que j’ai dit de bouche a esté par force et contrainte, tout ainsi qu’il est contenu ausdites protestations, et encore je y persiste. »

L’empereur était à la fois inflexible et timoré ; il ne se décidait