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trouvait aussi une maison ambitieuse assise sur les montagnes et toujours prête à changer ses alliances au gré de ses ambitions.

Jeanne d’Albret est née le 7 janvier 1523, au château de Pau. Sa mère, Marguerite, sœur de François Ier, est une des princesses les plus célèbres de la maison de France. Qui ne connaît les Marguerites de la marguerite des princesses, très illustre royne de Navarre et l’Heptaméron des nouvelles de très haute et très illustre princesse, Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre ? La Société de l’histoire de France a publié les lettres de cette princesse. Henri d’Albret, roi de Navarre, est resté dans la pénombre historique. Son père, Jean d’Albret, avait été un bon allié de la France. Sa fidélité lui avait coûté cher, car, ayant refusé le passage de ses états au duc d’Albe pendant la querelle entre Louis XII et Jules II, il s’était vu contraint d’abandonner la province de Pampelune : le duc d’Albe s’en était saisi, et le roi d’Espagne avait déclaré qu’il la garderait « tout le temps que nous le jugerons convenable au succès de notre sainte entreprise, nous réservant exclusivement de décider à quelle époque et de quelle manière nous devrons plus tard faire la restitution dudit royaume à ses premiers maîtres. »

Il n’est pas étonnant qu’Henri d’Albret, fils d’un prince spolié par l’Espagne, suivît François Ier dans la guerre d’Italie : il fut, comme le roi de France, fait prisonnier à Pavie et tenu avec d’autant plus de rigueur que Charles-Quint espérait obtenir de lui une renonciation à ses droits sur la Navarre. L’empereur était en effet tourmenté entre son ambition et sa conscience : il avait l’âme timorée, et il voulait se mettre en règle avec Henri d’Albret. Celui-ci, avec le secours d’une dame et d’un gentilhomme béarnais, François d’Arros, réussit à descendre d’une tour du château de Pavie sur une échelle de corde, il trouva des relais préparés et arriva heureusement à Lyon, sans qu’on eût pu l’atteindre dans sa fuite.

François Ier, quand il signa le traité de Madrid, n’en dut pas moins abandonner son allié et s’engager « à ne luy bailler, directement où indirectement, aide, faveur où assistance contre ledit seigneur empereur. » Il n’était pas libre quand il faisait ces promesses, et il témoigna son amitié à Henri d’Albret en lui accordant la main de sa sœur Marguerite. Il était toutefois plus soucieux des intérêts de son royaume que de ceux de son beau-frère et ne regardait pas sans envié le Béarn. L’héritière d’Albret devenait à son insu, un instrument de politique. Charles-Quint avait les yeux sur elle ainsi que François Ier. Marguerite rêvait de la marier au dauphin de France, mais celui-ci mourut le 12 avril 1536. Son frère, qui devait devenir Henri II, avait épousé en 1533 Catherine de Médicis ; restait un troisième prince, nommé le duc d’Orléans, que