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sa gloire et pour notre pays, beaucoup de Jeanne d’Albret, la fille de Marguerite d’Angoulême, la nièce de François Ier.

M. Alphonse de Ruble a entrepris de raconter dans les plus petits détails la vie de Jeanne d’Albret : cette tâche n’avait pas encore été remplie avec le soin qu’on apporte de nos jours aux études historiques. M. le marquis de Rochambeau a publié pour la Société de l’histoire de France un recueil de lettres de Jeanne d’Albret ; mais la reine de Navarre n’avait pas encore trouvé un bon biographe. M. de Ruble a consciencieusement fouillé les dépôts manuscrits de nos bibliothèques, les archives nationales, les archives de Bruxelles, les archives de Pau, celles de la ville de Dusseldorf, et il a mis au jour un grand nombre de pièces et de lettres encore inédites. Dans le premier volume qu’il a publié, il ne mène Jeanne d’Albret que jusqu’à son mariage avec le duc de Vendôme. Comme il s’écoulera peut-être bien du temps avant que M. de Ruble ne puisse compléter son ouvrage, nous n’avons pas voulu laisser passer inaperçu un livre qui, bien qu’il n’embrasse que la jeunesse de la reine de Navarre, jette un jour nouveau sur des épisodes très importans de notre histoire. Avant d’épouser un prince de la maison de Bourbon, Jeanne d’Albret avait en effet failli épouser le fils de l’empereur Charles-Quint ; elle avait épousé le duc de Clèves, et, si les alliances royales et princières ont encore conservé de nos jours une haute importance politique, au XVIe siècle elles décidaient du sort des états. L’empereur, les ennemis allemands de l’empereur, le roi de France, voulaient tous disposer, au gré de leurs ambitions et de leurs projets, de la main de la jeune princesse d’Albret.

Le petit royaume, assis sur les Pyrénées, qui se nommait la Navarre n’était plus sous François Ier ce qu’il avait été autrefois. Entré dans la maison royale par le mariage de Jeanne, héritière de la Navarre et de la Champagne, avec Philippe le Bel, il avait été détaché du royaume au commencement du XIVe siècle, et les mariages l’avaient fait passer successivement dans les maisons d’Aragon, de Foix, d’Albret. Ferdinand le Catholique, roi de Castille et d’Aragon, qui poursuivait l’œuvre de l’unité espagnole, enleva en 1512 à Jean d’Albret toute la Haute-Navarre, c’est-à-dire la partie de la Navarre qui est au sud des plus hautes chaînes pyrénéennes. La maison d’Albret n’eut plus qu’une pensée, qui fut de reprendre la partie espagnole de son ancien domaine. Les rois de France au contraire, voyant la Haute-Navarre aux mains de l’Espagne, devaient naturellement songer à réunir à la France la Navarre française. Ce petit coin de notre territoire devint ainsi un des centres, un des nœuds de la politique européenne : les plus grandes affaires s’y rattachèrent, comme elles se rattachaient à la Savoie, où se