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ou d’un autre pays ? Du moment où l’on franchit l’Adriatique, le problème se présente dans son intégrité, puisque les pays au-delà de cette mer n’ont pas encore été fouillés. Les découvertes faites à Santorin par M. Fouqué et par l’École française, et surtout les grandes fouilles de M. Schliemann en Troade et à Mycènes jettent sur la question de vifs rayons de lumière, mais n’en donnent pas encore toute la solution. On ne peut l’attendre que de fouilles nouvelles opérées sur une multitude de points dans la péninsule hellénique, dans les îles et sur l’immense surface de l’Asie. Dans ces contrées en effet, on devra retrouver la contre-valeur commerciale fournie par les hommes d’Occident en échange du bronze que les Orientaux leur apportaient. Ces objets d’échange devront consister surtout en ambre jaune, matière précieuse qui se conserve sans altération dans la terre et dans les tombeaux.

L’étude comparée des religions fournira à la science un contingent utile, car nous savons déjà que les figures symboliques de certains bronzes trouvés en Occident appartiennent à la race aryenne et Viennent de l’Asie centrale ou de l’Inde ; tels sont le swastika, la croix, la roue, le croissant, le disque, les étoiles, les nombres. Ces signes nettement caractérisés seront comme autant de jalons plantés dans tous les lieux où on les retrouvera, et ces jalons, marqués sur la carte du monde, donneront un tracé des voies métallurgiques. La linguistique peut déjà fournir quelques renseignemens ; peut-être ne faut-il pas beaucoup attendre d’elle, car les noms donnés aux métaux par les Aryas d’Occident n’ont pas toujours la signification qu’ils ont eue en Orient ; mais, comme dans l’Inde par exemple les noms désignant un même métal, un même produit industriel, une même figure, sont souvent très nombreux et toujours significatifs, on pourra tirer de leur comparaison des conséquences qui compléteront ou éclaireront les autres données de la science. C’est à ce titre surtout que l’étude des textes, dont on a d’abord abusé, pourra devenir fructueuse. Quoi qu’il en doive être, les savans admettent aujourd’hui que les voies métallurgiques de l’Europe, celle du Danube et celle de l’Italie et du Rhône, sortent du continent européen et tendent à converger vers un centre asiatique non encore déterminé ; mais ils admettent aussi que l’époque où le bronze s’est introduit en Europe parmi les populations de la période néolithique est encore à l’état d’époque géologique et ne peut être inscrite dans une chronologie quelconque. Deviendra-t-elle jamais une date réelle, ou du moins approximative ? On l’ignore, mais on l’espère.


EMILE BTONOUF.