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contrée qui en fournissait les élémens. Or l’Inde ne produit pas d’étain. C’est la presqu’île de Malacca et Banca qui sont encore aujourd’hui les deux grands centres de production de ce métal. C’est donc là qu’aboutirait la méthode d’élimination. Nous ne voulons pas dire qu’elle se tromperait ; mais au fond elle ne ferait que proposer une hypothèse vraisemblable. La science dont nous venons de retracer les traits généraux en avait essayé d’autres.

Les érudits avaient tenté de résoudre le problème au moyen des textes ; malheureusement les textes les plus anciens sont modernes eu égard à des époques aussi reculées. De plus les auteurs de ces textes, quand leur personnalité même n’est pas un sujet de doute, n’étaient pas assez bien informés, puisque aucun d’eux n’avait une notion quelconque des trois âges qui se sont succédé dans l’humanité. C’est donc vainement qu’en 1866 M. de Rougemont, avec l’aide des textes seuls, prétendit résoudre dans son cabinet le problème pour la solution duquel les savans sondaient alors les lacs, retournaient le sol des plaines et creusaient les montagnes. Cet érudit, pour qui la Genèse était une autorité suffisante en métallurgie, désigna la Phénicie comme le pays d’où le bronze européen avait été tiré. Mais il n’y a de mines ni d’étain ni de cuivre en Phénicie ; les cuivres les plus voisins étaient dans l’île de Cypre, qui alors n’était pas phénicienne. De plus, les Phéniciens n’ont jamais été des industriels, ils n’étaient que des marchands. On ne saurait montrer un seul bronze phénicien antérieur au fer. Ajoutons que les figures symboliques des bronzes de l’Europe sont toutes étrangères à la Phénicie, et que l’auteur du chapitre IV de la Genèse n’avait que des notions vagues sur l’origine des métaux.

Il n’y a donc pas d’autre méthode à suivre que l’observation et la comparaison des faits. Or, si les faits énumérés tout à l’heure démontrent l’origine étrangère et unique de l’industrie du bronze, les différences locales permettent de partager l’Europe en trois groupes, l’ouralien, le danubien et le méditerranéen, puis chacun de ces groupes en provinces. En tenant compte des époques successives indiquées par la superposition des couches dans les palafittes et les stations, on peut déterminer l’état relatif de cette industrie dans les différentes provinces de chaque groupe à chacune des trois époques de l’âge du bronze. Enfin la nature des objets associés dans les couches montre les phases successives par lesquelles cette industrie a passé.

Or les premiers bronzes vendus en échange de l’ambre, des fourrures, des cuirs ou d’autres produits locaux aux polisseurs de pierre, ont été des bijoux et des amulettes. On peut, au moyen de comparaisons, suivre la marche du commerce des bijoux de pays en pays dans chaque province. On y voit ensuite paraître les ustensiles et