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savantes. On voit en effet que c’est en Asie, et probablement dans l’Asie du sud-est, qu’il faut chercher la provenance première des métaux ; mais pour la découvrir avec certitude, il faut que, par des investigations analogues à celles qui sont faites en Europe depuis vingt ans, on trace en quelque sorte les routes que l’industrie et le commerce des métaux ont suivies.

Ces routes, du moins pour le bronze, convergeront sans doute vers un point unique. En effet, si l’Inde méridionale et la Tartarie avaient simultanément fourni ce métal, nous verrions dans les diverses collections de l’Europe deux types différens et probablement deux alliages différens pour les objets similaires ; le contraire a lieu : sauf les différences locales nées avec le temps, les produits sont les mêmes dans tous les pays de l’Occident, depuis la Sicile jusqu’aux extrémités de la Suède et de la Russie. La composition du bronze, connue par un grand nombre d’analyses où l’approximation a souvent été faite au dix-millième, est la même partout. Les procédés industriels sont identiques. Partout aussi on trouve les trois époques successives de l’âge du bronze : celle où il apparaît comme une rareté au sein d’une population occupée à polir la pierre, celle où le métal a remplacé définitivement cette dernière pour certains usages où il lui est manifestement supérieur, enfin celle où le bronze est à son tour en concurrence avec un métal nouveau, le fer, qui finit par le supplanter. Une telle uniformité dans un temps où il n’y avait ni chemins ni sécurité, où les races qui peuplaient l’Europe n’étaient pas encore mêlées et avaient leur génie et leurs besoins particuliers, enfin l’absence de l’étain en Europe, sauf le pays de Cornouailles, où l’on ne remarque aucune trace d’exploitation remontant à une telle antiquité, l’absence aussi de toute exploitation du cuivre dans ces temps reculés : n’est-ce pas là plus de raisons qu’il n’en faut pour admettre l’origine étrangère de la métallurgie ?

Pour en fixer le point de départ, on pourrait dès à présent procéder par élimination et montrer que ni l’Asie septentrionale, ni le Caucase, ni la Tartarie ni l’Égypte n’ont pu fournir le bronze à la vieille Europe. En rétrécissant toujours le cercle, on serait amené, comme l’ont été quelques savans, à regarder l’Asie-Mineure comme la voie par où le commerce du bronze a passé et l’Inde comme son lieu d’origine. Mais l’Inde elle-même est grande : du cap Comorin à l’Himalaya, la distance est à peu près celle de Marseille à Pétersbourg. De plus l’Inde ne produit pas son propre bronze, elle le tire du dehors. En suivant cette méthode, qui n’est pas très scientifique et qui a déjà égaré plusieurs savans dans des directions opposées, il est du moins un principe dont il faut tenir compte : c’est que le bronze, qui est un alliage difficile à produire, a dû naître dans une