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L’industrie du bronze caractérise la période dont nous nous occupons. En parlant des fonderies, nous avons dit quelques mots du matériel des fondeurs. On n’y a trouvé jusqu’à présent qu’un petit morceau de minerai de cuivre, et nulle part en Europe on n’a vu la trace d’un fourneau ni d’un appareil d’extraction. On est donc en droit de penser que le métal était apporté du dehors soit à l’état brut, soit déjà façonné. En effet, les lingots de bronze se rencontrent pour ainsi dire partout où des fondeurs ont stationné ; ils ont la forme de petites barres carrées ou de marteaux ayant vers le milieu un trou de suspension. Il est à noter que l’on ne trouve guère de cuivre pur[1] et que très peu d’étain, tandis que dans toute l’Europe le bronze a sensiblement la même composition. C’est ce qu’ont démontré les analyses faites par MM. Wibel et Fellemberg et par M. Damour ; la proportion de l’étain y est à peu près d’un dixième. Il faut en excepter les ciseaux à froid et un ou deux autres objets de bronze dur, qui partout contiennent jusqu’à un quart d’étain pour trois quarts de cuivre. Cette uniformité de composition de l’alliage dans toutes les parties de l’Europe en prouve l’unité d’origine et l’importation ; mais nous reviendrons sur ce sujet.

Les fouilles ont mis au jour, outre les lingots et les culots de métal, un grand nombre de moules en schiste, en stéaschiste, en grès, en terre cuite ou même en bronze. Beaucoup d’entre eux ont des formes sur deux ou sur quatre côtés, et chacune de ces faces en offre plusieurs les unes à côté des autres. Les creusets sont en terre mêlée de quartz broyé et contiennent souvent des traînées de métal. Les uns ont la forme conique de nos creusets de laboratoire ; les autres sont comme des tasses évasées munies d’un bec pour verser la fonte dans les moules. Tous ces récipiens ne pouvaient contenir qu’une petite quantité de métal ; leurs formes et leurs dimensions sont les mêmes dans toute l’Europe.

Les objets que l’on fabriquait avec ces moyens si rudimentaires peuvent se partager en trois classes : les outils et ustensiles, les armes et les parures. Parmi les premiers, il faut citer d’abord les haches faites primitivement à l’imitation des haches de pierre, puis s’emmanchant par le haut au moyen d’une douille ou d’ailerons et d’un anneau qu’une corde reliait à la tête du manche. On peut, d’après la superposition des couches dans les habitations lacustres et les stations, suivre ces transformations et en fixer les époques relatives. Les ciseaux, les couteaux et les gouges pour la menuiserie, les faucilles plus ou moins recourbées, les scies à manche, les vrilles, les pinces de bijoutier, sont les outils le plus souvent retirés de tous les gisemens. Il faut y ajouter les rasoirs, faits d’abord

  1. Il parait cependant que la Hongrie et la Grèce en ont fourni des exemples.