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pouvaient couper et entailler d’assez grosses pièces de bois. On faisait des planchers en fendant des troncs d’arbres ; les scies de pierre n’ont que quelques centimètres de long, et celles de bronze n’atteignent pas trois décimètres ; les unes et les autres ne pouvaient servir qu’à de petits ouvrages. De ceux-ci plusieurs échantillons ont été retirés des lacs de la Savoie ; ce sont des cuillers, des manches d’outils, des tiges de fuseau, des espèces de sabots, une écuelle à anse, une portion de baquet.

Le grand nombre de ces pesons en terre cuite que l’on désigne par le nom italien de fusaïoles indique que l’usage de filer et de tisser était fort répandu ; on a discuté longuement sur l’usage de ces petits cônes percés d’un trou suivant leur axe, mais le doute n’est plus possible depuis qu’un fuseau complet a été retrouvé au lac du Bourget. Nous-même avons observé des restes manifestes de bois consumé dans les trous de plusieurs pesons trouvés en Troade par M. Schliemann. Enfin cet instrument est celui dont on se sert encore dans tout le midi de l’Europe et dans tout l’Orient. Avec ces fuseaux de bois et de terre, on obtenait des fils assez déliés, comme le prouve la petitesse du chas de plusieurs aiguilles de bronze. Les tissus délicats se sont détruits sous l’eau, à plus forte raison dans la terre ; mais quelques fragmens de tissus plus grossiers, des mailles de filet, du fil, des cordes, des paquets de filasse, se sont conservés dans la boue des palafittes du Bourget. Le lin que l’on employait alors est l’espèce à feuilles étroites, différente de celle que nous cultivons. Au tissage, on peut rapporter la fabrication des corbeilles de jonc, de roseau et d’osier, la confection des nasses de pêcheurs et de ces larges claies dont on garnissait les parfois des maisons pour en soutenir les enduits.

L’industrie locale qui a laissé le plus de traces dans les gisemens du bronze, excepté dans les trésors et les fonderies, c’est l’art de modeler l’argile. Nous avons vu que les poteries des premières époques de la pierre n’étaient pas cuites, mais seulement séchées au soleil. La cuisson s’introduisit durant la période de la pierre polie, et se perfectionna pendant toute la durée du bronze. Néanmoins les plus anciens des vases de cette période étaient mal cuits, le plus souvent brûlés d’un côté et presque crus sur l’autre face ; on dirait que ces poteries étaient cuites à feu nu et non sous un réverbère, quel qu’il fût. Les plats et les assiettes n’avaient presque pas été au feu. Ce n’est que sur la fin du bronze, lorsque déjà le fer tendait à le supplanter, qu’apparaît l’usage de la roue du potier. Quelque simple que soit cette machine tournante, elle exigeait certains moyens de fabrication que les hommes n’avaient pas eus auparavant. L’idée même de faire passer l’argile entre les doigts, au lieu de la pétrir, supposait un certain progrès