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faisant tous partie de la même caste, pour ainsi dire, et qui n’étaient pas fixés dans le pays comme l’eussent été des ouvriers indigènes. En effet, les fonderies sont toujours dans des lieux isolés ; on ne rencontre autour d’elles aucune trace d’habitation. Sans doute les habitations peuvent disparaître, les maisons de bois se réduisent en poudre, les pierres mêmes sont avec le temps dispersées et utilisées ailleurs. Mais il est un produit de l’industrie humaine qui ne disparait jamais et qui témoigne de la présence de l’homme jusque dans les siècles les plus lointains : ce sont les terres cuites et surtout la poterie brisée. Sa persistance est telle qu’en examinant de près le sol qui en contient les fragmens, on peut souvent déterminer la place et l’étendue de cités disparues depuis des siècles nombreux. Or les fonderies des néolithiques ne sont jamais entourées de pareils débris. Il n’y a jusqu’ici d’exception que pour quelques habitations lacustres où s’exécutait sur place le travail des métaux ; mais là des hommes du pays avaient pu être initiés à ce travail par les ouvriers voyageurs.

Cette initiation paraît en effet rendue probable par l’existence de certains centres habités auxquels on a donné le nom de stations. Celles que l’on connaît sont d’une très petite étendue ; le plus souvent elles se trouvent en quelque sorte alignées le long des rivières, comme on le voit par exemple sur les rives de la Saône, entre Châlons et Tournus ; mais il en existe aussi d’isolées. Telle est la plus importante de toutes, celle de Saint-Pierre-en-Chastre, dans la forêt de Compiègne. Elle est située sur un plateau calcaire dominant la plaine marécageuse du Vieux-Moulin. Fouillée en 1860 par M. Viollet-Le-Duc, elle fournit entre autres choses plus de cinq cents objets de bronze. Tous furent d’abord attribués indistinctement à des armées gauloises. Depuis lors la science ayant marché en avant, on reconnut que, parmi les objets de pierre, de bronze ou de fer recueillis en cet endroit, il fallait établir des distinctions, que tous étaient fort antérieurs à César, qu’il ne s’y trouvait presque pas d’armes, et que toute la série du bronze était identique à ce que fournissaient les autres gisemens de cet âge dans toute l’Europe. Un examen attentif et d’utiles comparaisons permirent de conclure que la station de Saint-Pierre avait probablement existé pendant plusieurs siècles et qu’elle avait vu, sinon l’arrivée du bronze dans ce pays, du moins la belle époque de ce métal et les commencemens de l’âge du fer.

Mais l’intérêt que présentent les stations s’efface en quelque sorte devant celui des trésors, parce que les trésors semblent démontrer la réalité de ces fondeurs ambulans dont les fonderies suggèrent en effet l’idée. Les plus importans ont été trouvés dans les Alpes, aux cols des montagnes, d’autres près de Moulins et de Cannat, deux