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Les 147 dolmens où du bronze a été trouvé, mêlé à des objets de pierre, à des poteries de la seconde époque et à d’autres objets dont il sera question plus tard, ne forment qu’une minorité dans le grand nombre de ceux qui ont été fouillés. Dans le midi de la France seulement, on en a ouvert 700 dans l’Ardèche, 300 dans l’Aveyron, 160 dans la Lozère. On peut en conclure avec vraisemblance que, si tous appartiennent à la période de la pierre polie, la population qui les a élevés a vu arriver chez elle, mais en petite quantité, le premier métal usuel. Si elle l’avait eu en abondance, elle aurait fait en bronze une foule d’armes, d’instrumens et même de bijoux qu’elle faisait encore avec des pierres, des coquilles, de la corne ou des os, car avec une scie de silex on fait en un jour et en se donnant beaucoup de peine le travail que l’on fait en une heure avec une scie de bronze, en quelques minutes avec une scie de fer, en quelques secondes avec une scie d’acier mise en mouvement par une force mécanique. Supposons qu’aujourd’hui règne encore l’usage d’ensevelir avec soi les objets dont on a fait usage pendant la vie, et que dans cinq ou six mille ans on ouvre nos tombeaux : on y trouvera beaucoup de scies circulaires en Angleterre, en France, en Suisse, en Allemagne, moins en Italie, surtout au sud, moins encore en Espagne, une ou deux en Grèce, pas une peut-être dans toute la Turquie d’Europe et d’Asie. Nous ne voyons pas cependant qu’il existe chez nous aucune migration. Ce sont les industries elles-mêmes qui se propagent, et non les populations qui se déplacent ; quelques hommes passant d’un pays dans un autre suffisent pour opérer cette propagation. La composition mobilière des dolmens est uniforme ; mais à mesure qu’on avance du nord vers le sud, la quantité de bronze augmente ; il semble donc qu’il existait dans les régions méditerranéennes ou au-delà un pays d’où le bronze était apporté et se répandait peu à peu vers le nord-ouest européen.

Nous avons à parler maintenant, d’après les faits nombreux réunis et groupés par M. Chantre, des gisemens de bronze qui sont cachés sous terre et que le hasard fait découvrir. Ils sont de deux sortes, les fonderies et les trésors, auxquels on peut ajouter certaines stations ou centres d’habitation encore mal déterminés et un grand nombre de sépultures en plein champ dont rien n’annonce la présence. Une fonderie consiste ordinairement en une simple cavité creusée dans le sol et contenant le matériel plus ou moins complet d’un fondeur de bronze : des lingots de métal, des culots, des masselottes, des scories, puis des fragmens d’objets ayant servi, ou ces objets eux-mêmes usés, déformés, hors de service, enfin des creusets, des moules, des pinces, quelquefois des objets neufs sortant du moule et inachevés, De telles fonderies ont été découvertes