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bronze seul avec les objets de pierre dont ce métal n’avait pas aboli l’usage ; enfin des couches les plus profondes, reposant sur le sol même du lac, on ne retirait que des objets de pierre sans aucun reste de métal. En même temps, on constatait une marche progressive de la civilisation par le perfectionnement des formes, soit dans les poteries, soit dans les objets métalliques. Il n’était plus possible d’élever aucun doute sur la succession des âges, ni sur les caractères essentiels de chacun d’eux. Les habitations lacustres de la Suisse prouvaient enfin que ces trois périodes de l’ancienne civilisation n’étaient pas propres aux pays du nord, mais qu’elles s’étaient étendues à des contrées plus méridionales.

Cette même année 1853 fut féconde pour les sciences préhistoriques. Pendant que M. Keller sondait les lacs de la Suisse, on découvrait à Villanova, près de Bologne, une nécropole à laquelle on donna le nom, peut-être un peu risqué, de proto-étrusque. Elle fut examinée et décrite avec le soin le plus scrupuleux par le comte Gozzadini, qui la fit connaître l’année suivante, et qui depuis cette époque a été de découverte en découverte. La nature des objets trouvés dans ce cimetière prouva qu’il était postérieur à la dernière période du bronze, mais antérieur aux Étrusques, avec lesquels ses morts avaient été jusque-là confondus. C’est à la suite des fouilles de Villanova que se constitua dans la science le premier âge du fer : cet âge avait suivi la période de transition du bronze au fer, répondant à la couche supérieure des palafittes, et avait précédé, peut-être immédiatement, la période étrusque, qui s’étend jusque dans l’histoire.

Ainsi se trouva rattaché, par une série pour ainsi dire continue d’anneaux, le passé de l’homme à son présent. L’archéologie proprement dite est une branche de l’histoire ; elle en est la portion peut-être la plus solide, puisqu’elle rassemble des faits réels et non pas seulement des textes, souvent altérés, parfois mensongers. Par ses commencemens, elle se mêle avec les études préhistoriques, comme les trois âges préhistoriques se mêlent deux à deux à leurs points de succession. En remontant d’âge en âge, on arrive à l’âge de la pierre non polie ; au-delà s’étend une suite probablement fort longue d’années aboutissant à l’homme des terrains quaternaires, peut-être même tertiaires, c’est-à-dire aux époques géologiques antérieures à celle où nous vivons. C’est à ce point de la science que commencent les théories, comme celles de M. Darwin, sur l’origine de l’espèce humaine et sur les formes animales qui l’ont précédée et suscitée.

En 1857, M. Troyon, en popularisant les découvertes de Keller, avait appelé l’attention sur le problème des origines du bronze ; mais, pour en tenter la solution, il fallait que le matériel d’une