Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/751

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est certes pas du côté de la Turquie, du côté du Danube. La moindre inspection de la carte montre clairement que, si le cabinet de Saint-Pétersbourg avait de longue date sur la presqu’île des Balkans les vues ambitieuses qu’on lui prête, il n’a dans la construction de ses chemins de fer rien fait pour en préparer l’exécution. Ce défaut de voies et moyens, joint aux rares difficultés présentées par le terrain, suffit à expliquer la lenteur des opérations sur le Danube ou en Asie.


V

En aucun pays les fêtes militaires ne sont plus belles qu’en Russie. On ne saurait, il est vrai, juger de l’armée russe par les régimens que l’étranger voit figurer dans les revues de Saint-Pétersbourg ou de Krasnoe-Sélo. La garde impériale en particulier, qui présente des spécimens de toutes les troupes régulières ou irrégulières de l’empire, est un corps d’élite auquel rien dans les provinces ne saurait se comparer. Les souverains de la Russie ont mis depuis longtemps une sorte de coquetterie à réunir autour d’eux de beaux hommes et des soldats bien dressés. Ce serait une erreur que de croire, comme on l’a souvent écrit, qu’en exposant dans leur capitale leurs plus beaux régimens les tsars voulaient faire illusion à l’Europe. Le temps n’est plus où l’on pouvait dire que dans le domaine militaire comme en toutes choses, la Russie n’était qu’une façade ou un décor trompeur. Les troupes de l’intérieur, moins luxueusement équipées et peut-être moins minutieusement exercées, ne sont probablement pas en valeur réelle beaucoup inférieures à celles de la capitale. Le soldat, alors même que ses vêtemens semblent laisser à désirer en fraîcheur, se fait d’un bout à l’autre de l’empire remarquer par sa bonne tenue. Les chefs militaires, à l’exemple du souverain, y ont toujours mis leurs soins. Comme les princes de Prusse, les grands-ducs de Russie se sont traditionnellement fait un devoir de veiller à la stricte exécution des règlemens militaires et aux exercices des hommes. Cet ennuyeux métier de sergent instructeur est partout le plus utile que les mœurs modernes, aient laissé aux princes, c’est du moins celui où il est le plus difficile de les suppléer. La réduction de la durée du service ne semble pas en Russie avoir nui à la discipline ou à l’instruction de la troupe ; tout le monde est d’accord au contraire pour remarquer le bon esprit et l’intelligence des jeunes soldats enrôlés sous l’empire de la loi nouvelle, et pour les préférer aux vétérans de l’ancien système qui doivent bientôt disparaître des rangs.

L’on n’attend pas de nous des détails sur l’organisation ou l’équipement des différentes armes, infanterie, cavalerie, artillerie,