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durée du service est abaissée de six à quatre ans. Le nombre des hommes munis de ce modeste diplôme ne constitue aujourd’hui qu’un dixième environ du contingent annuel ; mais ce nombre grandira chaque année, en vertu même des exemptions légales, jusqu’à former un jour la moitié, puis la majorité des conscrits, en sorte que, si rien n’est changé, le service dans l’armée active se trouvera progressivement et insensiblement abaissé à quatre ans, abaissé d’un tiers. Ce serait là un grand résultat atteint sans secousses, au double profit du développement intellectuel du pays et de ses ressources militaires, car avec un service d’un tiers moins long, un tiers d’hommes en plus pourraient être exercés au maniement des armes.

Le gouvernement n’a pas voulu seulement encourager les écoles primaires ou préparer la réduction graduelle de la durée du service ; aux divers degrés d’instruction, il a concédé des immunités diverses, en sorte qu’à chaque gradin de l’échelon correspond un allégement des charges militaires. Les élèves des écoles techniques, industrielles et commerciales, des écoles reales, comme disent les Allemands, ne servent que trois ans, les élèves des gymnases ayant achevé leur cours d’études classiques ne servent qu’un an et demi. Pour les jeunes gens enfin qui reçoivent des universités une instruction supérieure, le séjour dans l’armée active est réduit à six mois. Pour chaque catégorie, il y a naturellement à la sortie des écoles des examens et des certificats d’études. Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’esprit d’un tel système. Peut-être toutes ces immunités ne sauraient-elles être maintenues dans leur étendue actuelle ; le principe n’en est pas moins beaucoup plus rationnel, plus démocratique et plus équitable que le principe dont on s’est inspiré chez nous pour notre volontariat. En Russie, les connaissances et les aptitudes des jeunes gens sont seules à décider du temps que réclame d’eux l’état pour les initier au métier de soldat[1]. Il est inutile également d’insister sur l’impulsion qu’une telle loi peut donner aux études, à tous les degrés de l’enseignement ; il me suffira de dire qu’en Russie les effets en sont déjà partout sensibles. Le service obligatoire deviendra ainsi pour l’empire

  1. Il existait naguère des quittances de recrutement délivrées aux communes pour chaque recrue enrôlée en sus de leur contingent légal. Ces quittances pouvaient être vendues par les communes et libéraient du service leurs propriétaires. La nouvelle loi devait mettre fin à ces exemptions et à ce commerce. Un décret a interdit la vente de ces quittances postérieurement au 1er octobre 1874. A partir de cette date, ces titres d’exemption ont cessé d’être négociables pour ne plus servir qu’au porteur ou à l’un de ses frères ou cousins. Aussi dit-on qu’en cette année 1874 de riches marchands en ont acheté à gros deniers pour leurs fils nouveau-nés.