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le nord, plus les feuilles des végétaux grandissent, comme pour absorber une plus forte proportion de rayons solaires. M. Grisebach, dans son livre sur la végétation du globe, rapporte que, pendant un voyage en Norvège, il a pu constater que la majorité des arbres à feuillage avaient déjà sous le 60e degré de latitude des feuilles plus grandes qu’en Allemagne ; celles du peuplier-tremble atteignaient généralement une largeur de 5 centimètres. M. Ch. Martins a fait une observation analogue sur les légumes cultivés en Laponie. A Alten, les feuilles des pois avaient près de 30 centimètres de longueur, celles des betteraves 52 centimètres. D’un autre côté, M. Grisebach s’est assuré que l’accélération de la croissance des graminées sous l’influence du climat scandinave porte exclusivement sur la période comprise entre la germination et la formation de la fleur, que par conséquent elle s’applique aux organes verts, tandis que la phase comprise entre la floraison et la maturation du grain a la même durée en Norvège et en Saxe. Dans les Alpes, d’après Tschudi, cette dernière phase s’allonge même à mesure que la station est plus élevée. C’est qu’en effet la chaleur joue aussi son rôle dans le développement du végétal, surtout pendant la dernière période, où s’achève le travail organique commencé sous l’action instigatrice des rayons lumineux. C’est pour cela que, sur le littoral norvégien, une distance assez faible de la mer suffit à produire une différence sensible dans la durée de la période de végétation.

Là où l’action de la lumière se manifeste d’une manière bien visible, c’est dans le coloris général de la végétation. A mesure qu’on remonte vers le nord, la couleur des grains devient plus foncée sous le climat de la Norvège. Les blés blancs à teint clair brunissent ; après quatre années de culture, les grains du midi ressemblent aux grains du pays. Même changement pour les haricots : les variétés blanches deviennent jaunes, brunes ou vertes ; les graines blanches, avec un tout petit point noir, importées d’Allemagne, deviennent complètement noires ou brunes sous le 66e parallèle. Le musée de l’université de Christiania possède une collection d’échantillons de graines qui montrent ces changemens successifs. De même dans le nord la coloration verte du tissu est plus intense : arbres, arbrisseaux, légumes, tout est plus foncé. La couleur des fleurs se fonce également ; les fleurs qui sont blanches ou jaunes sous nos climats prennent en Norvège des teintes rouges ou dorées. Il y a là une analogie évidente avec la flore alpine, qui se distingue aussi par la vivacité du coloris, et la cause est la même : c’est toujours le soleil. Sur les Alpes, il est plus ardent, parcc que ses rayons traversent un air moins épais ; mais dans les contrées boréales il est plus persistant, grâce à la longue durée des jours. Dans les deux cas, la somme de rayons que reçoivent les champs pendant les mois les plus chauds de l’année est supérieure à la moyenne qui est le partage de nos