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radicalisme auquel on prétend ne s’associer « ni de prés, ni de loin, uni pour aujourd’hui, ni pour demain. — Rien de plus net assurément. M. le maréchal de Mac-Mahon précisera pensée dans son message, M. le duc de Broglie la confirme dans une circulaire aux procureurs-généraux. L’intention ne va pas au-delà de la légalité ; mais c’est là précisément ce qui fait que l’acte du 16 mai et les combinaisons qui s’y rattachent semblent d’autant plus démesurés ; c’est parce qu’ils sont démesurés qu’ils ont excité l’inquiétude, qu’ils ont réveillé partout le sentiment des luttes et des périls qui naissent de la triste et implacable logique des situations violentes.

On s’est malheureusement donné du premier coup toutes les apparences du défi, de la menace, et ici, on nous permettra de le dire avec une simple et respectueuse liberté, M. le président de la république a cédé à un dangereux emportement, il s’est trompé. Accoutumé à parler en soldat plus qu’en politique, il ne s’est pas rendu compte visiblement de ce qu’il y avait d’extraordinaire dans cette lettre qu’il a cru devoir adresser le matin du 16 mai à M. Jules Simon, qui a imprimé aussitôt son caractère à la crise. Si M. le maréchal de Mac-Mahon croyait avoir à se plaindre de la manière dont ses conseillers responsables représentaient le gouvernement devant les chambres, rien n’était plus simple : il pouvait réunir ses ministres, s’expliquer ou réclamer des explications dans l’intimité du conseil. Il restait libre après cela de changer son cabinet, même de choisir un ministère de combat décidé comme lui à courir les chances d’une dissolution de la chambre. Il n’y avait dans tous les cas aucune raison sérieuse pour recourir en toute hâte à cette sorte de procédé sommaire d’exécution qui vient d’être employé probablement pour la première fois dans les relations d’un chef d’état avec un président du conseil en présence d’un parlement. La lettre du 16 mai a pu sembler d’autant plus étrange que peu de jours auparavant M. Jules Simon, ayant à combattre ceux qui voulaient introduire le nom du chef de l’état dans les débats parlementaires, avait tenu ce langage : « Je ne puis m’empêcher de dire à la chambre que le respect profond que, malgré les dissentimens politiques, j’aide tout temps professé pour le caractère de M. le maréchal président de la république, n’a cessé de s’accroître depuis que j’ai l’honneur de le voir de plus près, et je suis heureux de cette occasion qui m’est offerte de dire quelle respectueuse admiration m’inspire de jour en jour davantage sa conduite politique… »

Franchement le congé du 16 mai était une réponse singulière, il aurait pu tout au moins être donné sous une autre forme, ne fût-ce qu’en souvenir d’une collaboration de cinq mois dans le gouvernement du pays. On n’agit pas ainsi, et s’il y a une chose à regretter, c’est que M. le duc de Broglie, pour la dignité de la vie parlementaire, pour la