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agence de publicité pour être répandue sans plus de retard dans Paris ? Cette divulgation prématurée était dans tous les cas une aggravation ; elle dénotait, ou que M. le maréchal de Mac-Mahon avait autour de lui des amis décidés à lui rendre toute retraité impossible, ou que M. le président de la république, de son propre mouvement, avait pris son parti sans retour, même en présence de l’opposition qui ne pouvait manquer de se manifester, qui éclatait en quelque sorte instantanément dans la chambre des députés.

Dès ce moment, la crise apparaissait dans ce qu’elle avait de décisif et d’irréparable. Vainement, sous le coup qui les atteignait et qu’ils auraient dû peut-être un peu mieux prévoir, les différens groupes de la majorité républicaine essayaient-ils de se réunir pour opposer une sorte d’ordre du jour préventif de défiance à tout ministère qui se formerait en dehors des conditions strictement parlementaires : M. le président de la république était visiblement résolu à ne pas rester en chemin, il ne s’arrêtait même pas à un semblant de négociation, à quelque combinaison nouvelle de transaction. S’il faisait appeler M. le duc d’Audiffret-Pasquier, c’était lorsqu’il avait déjà donné son congé à M. Jules Simon ; s’il témoignait le désir de voir M. Dufaure, c’était pour la forme, et M. Dufaure ne voyait aucune nécessité de se prêter à des conversations inutiles. A dire vrai, M. le maréchal de Mac-Mahon avait probablement dès la première heure son ministère tout prêt, tel qu’il s’est trouvé constitué avec M. le duc de Broglie comme président du conseil et garde des sceaux, avec M. de Fourtou comme ministre de l’intérieur, avec un sénateur bonapartiste, M. Brunet, comme ministre de l’instruction publique, avec M. le vicomte de Meaux, M. Caillaux, M. Paris ; M. le duc Decazes et M. le général Berthaut sont restés comme des survivans du dernier cabinet dans la combinaison nouvelle. La transition ne pouvait assurément être plus soudaine et plus complète. En quelques heures, sans préparation, sans raison apparente, tout se trouvait déplacé, interverti dans la direction de la politique intérieure de la France. Il y avait un ministère de la gauche modérée, il y a aujourd’hui un ministère de la droite arrivant au pouvoir avec la pensée évidente de réagir énergiquement contre tout ce qui s’est fait depuis un an, réduit dès sa naissance à éviter un conflit immédiat par une prorogation parlementaire, portant avec lui les chances d’une dissolution de la chambre des députés, c’est-à-dire d’une inévitable agitation. Voilà les faits : la lutte est désormais engagée, elle n’était certainement pas désirée. L’erreur, l’imprudence de cet acte du, 16 mai qui a éclaté si inopinément, dont les conséquences échappent maintenant à tous les calculs, c’est d’avoir tout remis en question sous prétexte de tout raffermir et d’avoir dépassé, par Une sorte d’impatience irritée, le but qu’une prévoyance conservatrice fort avouable pouvait se proposer.